Le président s'est exprimé, comme à l'accoutumée, avec une franchise qui n'a pas été expurgée de ses petites provocations : « Le retour de l'ISF, c'est de la pipe », ou encore : « Je suis comme ça, je ne changerai pas ». On peut continuer à vitupérer ses manières, on ne progressera guère vers l'apaisement de la crise. Mais il n'est pas exagéré de dire que le chef de l'Etat a finalement réussi à détendre un peu l'atmosphère. Même si, dans leur majorité, les gilets jaunes continuent de rejeter en bloc tout ce qu'il propose, et même s'ils poursuivent leurs actions sur l'ensemble du territoire, M. Macron reste ce qu'il a été au moment de son élection : un rempart contre les partis extrémistes qui se voient aux portes du pouvoir.
Plusieurs sondages indiquent en effet une légère remontée de la cote de popularité du président et du Premier ministre. Mais le plus important, c'est que la République en marche qui, pendant la crise et jusqu'à présent, n'a pas prouvé qu'elle gérait efficacement les effets désastreux du malaise national, redevient le premier parti de France, du moins si l'on en croit les plus récents sondages sur les élections européennes du 26 mai prochain. Une enquête d'Ifop-Fiducial publiée le 16 janvier accorde 23 % à la REM (+ 5 points) contre 21 % au RN (moins 3), alors même que lors d'un rassemblement appelé « On arrive », les amis de Marine Le Pen se présentaient comme les vainqueurs du scrutin européen. Certes, les sondages vont et viennent et les marinistes peuvent très bien regagner le terrain perdu. Mais qu'est-ce qui joue en faveur du parti de Macron sinon le sentiment d'une forte partie de la population que l'alternative au macronisme, c'est le populisme ?
Emmanuel Macron n'a gagné les élections de 2017 et ne s'est constitué une forte majorité que parce que, justement, il apparaissait comme l'homme capable de nous éviter une très pénible expérience historique. Depuis lors, rien n'a changé. On peut être déçu par le président actuel, on peut même le haïr, sentiment que la France insoumise et le Rassemblement national nous demandent de partager, on ne peut pas se demander s'il est légitime, souhaitable et bon pour le pays que la correction des erreurs commises par le pouvoir actuel passe par sa destitution.
L'opposition, c'est l'extrême droite
En effet, qu'est-ce qui explique la remontée des Marcheurs ? Principalement l'éparpillement de l'électorat qui n'accorde plus de 20 points qu'à deux partis. Les autres arrivent loin derrière, les Républicains à 10 %, LFI à 9,5, Debout la France (Dupont-Aignan) à 7,5, le PS à 4 et l'UDI à 3,5. Ce résultat indique également que la bêtise gouverne nombre des opposants à Macron. Si Nicolas Dupont-Aignan consentait à s'effacer devant Marine Le Pen, celle-ci gagnerait haut la main les élections européennes. Les ambitions affichées de la France insoumise et surtout le fracas de ses propos ne sont pas en phase avec sa cote de popularité. Et les socialistes sont en perdition. Il y a pire : si les gilets jaunes s'organisaient en parti politique, ils recueilleraient 7,5 % des suffrages, ce qui ferait baisser le RN à 18,5 et DLF à 7. Ce qui montre que, contrairement à ce que nombre de commentateurs nous serinent, les gilets jaunes ne sont pas le tsunami populaire qui annonce le grand soir, ils partagent les idées de l'extrême droite. C'est à elle qu'ils feraient mal s'ils se présentaient, en lui faisant perdre 2,5 points et beaucoup moins à LFI (un demi-point de moins).
Bien entendu, la position du président et de son gouvernement demeurent fragiles, surtout si le mouvement des gilets jaunes se poursuit inexorablement, ce qui finira par affaiblir une économie qui n'est déjà pas en grande forme. M. Macron doit éviter toute provocation, on le lui a assez répété, il doit tenir parole en ce qui concerne les mesures sociales annoncées et l'usage qu'il fera des résultats du débat. Mais il n'est pas, comme certains le croient, au fond du trou.
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