Le Service national de santé (NHS) britannique rémunère l’ensemble des professionnels de santé du pays par des salaires ou des honoraires : les pharmaciens, eux, sont certes des « indépendants », mais sont payés par des honoraires versés par le NHS.
Ces honoraires concernent les délivrances, avec ou sans reste à charge, mais aussi un nombre croissant de services, qui varient selon les quatre « nations » formant le Royaume-Uni : en Écosse, ils incluent de véritables consultations à l’officine avec un droit de prescription pour certaines affections dites « mineures », sans passage par le médecin. L’Angleterre a récemment institué des consultations comparables, mais qui ne peuvent être réalisées qu’après accord d’un référent médecin ou du NHS lui-même, et excluent les prescriptions par le pharmacien. En outre, les pharmaciens anglais sont désormais chargés d’une large part du suivi post hospitalier de nombreux patients. Au Pays de Galles, les honoraires de délivrance viennent d’être diminués de plus d’un tiers, et compensés par une augmentation comparable de la rémunération des services, y compris les prescriptions de médicaments, afin d’encourager les pharmaciens à développer encore plus cette activité. La variété des missions confiées aux pharmaciens britanniques concerne aussi bien les pharmaciens titulaires, dits « propriétaires » que les adjoints, lesquels jugent souvent que leur vie professionnelle est plus intéressante que ce qu’elle serait dans de nombreux autres pays. À côté des prestations financées par le NHS, les pharmaciens peuvent aussi travailler avec des assurés privés en facturant librement leurs prestations, surtout à Londres, îlot de richesse dans un pays devenu, lui, beaucoup moins opulent qu’autrefois.
Délégations de tâches
Gratuit et universel, le NHS est financé par l’impôt, mais vise en permanence une rentabilité financière maximale. Pour cette raison, il cherche à limiter les recours aux soins médicaux, d’autant plus que les médecins sont traditionnellement peu nombreux, et de plus en plus sollicités. Cette conception de la santé a favorisé, très tôt, les délégations de tâches au profit d’autres professionnels, dont les pharmaciens, ce qui entraîne parfois des répercussions au détriment de l’officine.
Plus de 5 000 pharmaciens ont en effet choisi de travailler directement dans des cabinets médicaux, et représentent autant d’adjoints en moins pour les officines. Il suffit de se connecter sur l’un des nombreux sites de pharmaciens intérimaires, les « locums », pour s’en apercevoir : les demandes « urgentes » de titulaires recherchant des employés y côtoient des annonces de jeunes pharmaciens qui monnayent leurs passages en officine au prix fort, parfois uniquement pour une ou quelques demi-journées.
Le poids des chaînes
Au Royaume-Uni, il n’y a ni numerus clausus ni quotas d’installation, et les créations sont en théorie libres… À part qu’elles sont impossibles depuis quelques années déjà, le NHS estimant le nombre de pharmacies trop élevé. 12 grandes chaînes de pharmacie regroupent près de la moitié des 14 000 officines britanniques. Boots et Lloyds sont les deux plus importantes, avec respectivement 2 400 et 1 600 officines, employant 6 000 pharmaciens pour la première et 2 000 pour la seconde. Les autres pharmacies sont soit totalement indépendantes, soit regroupées dans de petites chaînes locales ou régionales. Le système des chaînes rend les installations de jeunes pharmaciens encore plus difficiles, car si elles continuent à racheter des officines, elles les revendent rarement. À l’exception de quelques très grandes pharmacies évoquant des drugstores américains, et appartenant en général à des chaînes, les pharmacies britanniques, indépendantes ou non, sont souvent très petites, et il n’est pas rare que le propriétaire ou le manager y travaille seul ou presque seul, surtout en zone rurale ou loin des grands centres.
Notons par ailleurs que les ventes en ligne sont autorisées, y compris pour les prescriptions, mais qu’elles sont peu développées, car elles ne procurent qu’un avantage financier très limité aux acheteurs, en raison de la force des réseaux traditionnels de pharmacie et de parapharmacie. De plus, elles n’offrent aucune réduction sur les médicaments prescrits.
Exercer au Royaume-Uni
Que ce soit en indépendant ou en tant que salarié, tout pharmacien désirant exercer outre-Manche doit d’abord obtenir une autorisation du Conseil général pharmaceutique (General pharmaceutical council, ou GPhC), une instance officielle dont les attributions sont proches de celle d’un Ordre, à savoir la validation des diplômes obtenus, le contrôle de l’activité et la défense des patients. À l’image de l’ensemble des professionnels de santé britannique, la pharmacie est très « diverse » et le pourcentage de pharmaciens étrangers, ou d’origine étrangère, très élevé. Parmi eux, les Indiens sont les plus nombreux, car ils ont souvent repris les pharmacies que leurs parents ou grands parents avaient créées quelques décennies plus tôt. On trouve aussi de nombreux pharmaciens espagnols et sud-africains, car le Royaume-Uni en a attiré beaucoup il y a une vingtaine d’années. Pour les pharmaciens comme pour les autres professionnels de santé, le NHS applique toutefois une clause « éthique » de non-engagement de diplômés originaires de pays où ils sont trop peu nombreux : ainsi par exemple, il refuse d’embaucher des pharmaciens issus de certains pays africains ou asiatiques manquant dramatiquement de pharmaciens, pour éviter que ces derniers n’aggravent encore la pénurie chez eux en venant travailler au Royaume-Uni, où les rémunérations sont bien sûr considérablement plus élevées.
Depuis le Brexit, il est devenu beaucoup plus compliqué pour un pharmacien européen d’exercer au Royaume-Uni. Même si les règles d’immigration pour les professionnels de santé sont plus souples que pour les autres professions, tout pharmacien européen doit disposer d’un « sponsor », en clair un employeur nommément désigné, pour pouvoir demander un permis de travail, qui lui sera alors délivré pour une période plus ou moins longue. Les diplômes européens, eux, restent actuellement reconnus par le Royaume-Uni, mais il faut les faire certifier, une procédure onéreuse parfois complexe. En outre, tous les pharmaciens étrangers, européens compris, doivent passer un examen linguistique pour exercer outre-Manche.