« L’image du pharmacien n’a jamais été aussi bonne auprès du public, mais elle ne passe pas auprès des jeunes », constate amèrement Nicolas Sevenet, doyen de l’UFR des sciences pharmaceutiques de Bordeaux, le 5 décembre, lors de l’étape bordelaise du tour de France de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Après un résumé de la nouvelle convention pharmaceutique, par Philippe Darrouy et Philippe Besset (vice-président et président de la FSPF) l’essentiel de la soirée était consacré à la formation.
Et si l’assistance était plutôt clairsemée dans un amphi chauffé avec sobriété, le sujet était crucial. En effet, la plupart des officines peinent à recruter, tant au niveau pharmacien que préparateur. Et l’université peine à séduire. À Bordeaux, sur 164 places disponibles en 2e année de pharmacie, seulement 56 ont été pourvues.
Le « pharmacien » absent de Parcoursup
Plusieurs causes ont été pointées par les participants. À commencer par la mauvaise connaissance du métier de pharmacien chez les jeunes : « le mot pharmacien n’existe même pas dans les documents Parcoursup », souligne Adrien Caron de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Et la complexité du nouveau 1er cycle (PASS/LAS) n’arrange rien : « Je vous avoue que nous nous demandons souvent comment l’expliquer simplement à des lycéens », précise Nicolas Sevenet. Sans oublier l’attractivité de la filière médecine, « siphonnant » parfois la majeure partie des étudiants ; ou les difficultés d’organisation administrative, les LAS nécessitant d’établir des partenariats avec d’autres entités universitaires (droit, sciences économiques).
Pour ce pharmacien girondin « l’impossibilité de redoublement est aussi un frein. À notre époque, la plupart des 2e année de pharmacie était des doublants et nous n’avons pas fait de plus mauvais professionnels ». Plus radical, François Martial (vice-président de l’URPS pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine) met en cause la réforme du premier cycle : « elle est mauvaise, il faut la changer ».
Le cœur du problème est le déficit d’image du pharmacien auprès des jeunes. Ce chantier long et complexe, commence sans doute dans l’officine, en multipliant les accueils (et l’encadrement) de jeunes en stage de découverte des métiers.
Quant au contenu des études, si certains officinaux le trouvent encore « à des années-lumière de l’officine », Bernard Muller (ex-doyen) et Nicolas Sevenet rappellent les efforts faits à Bordeaux : « Nous n’avons pas attendu pour suivre les évolutions de la profession… Nous avons lancé 10 groupes de travail pour adapter la formation, créer de nouveaux cours, par exemple sur le numérique en santé et les nouvelles missions. »
Statut d’interne
Bernard Muller évoque a également les pistes de réforme du 3e cycle avec le DES de pharmacie (sur 12 mois) se substituant à la 6e année. Il constate le consensus existant pour donner à ses étudiants un statut d’interne, qui permettrait, entre autres avancées, de gommer les disparités entre étudiants en médecine et pharmacie sur le salaire ou les congés.
Enfin, Nicolas Sevenet rappelle l’ouverture à Bordeaux, à la rentrée 2022, d’une première année de DEUST de préparateur technicien en pharmacie** avec 10-15 % d’enseignements universitaires. Ce nouveau diplôme, renforçant la qualité de la formation, l’employabilité et les perspectives de carrière des préparateurs (y compris leur entrée en 2e année de pharmacie via les « passerelles ») est un outil supplémentaire pour amener des jeunes vers l’officine.
* Nicolas Sévenet, doyen de la faculté de pharmacie de Bordeaux, professeur de génétique, praticien hospitalier responsable du service d'oncogénétique à l’Institut Bergonié, issu d’une famille de pharmaciens depuis 5 générations.
** Formation bâtie avec le CFA girondin Hygie formations, géré par la FSPF. Les évaluations des étudiants y seront faites en CFA, en officine et à l’université. La 2e année ouvrira à la rentrée 2023 et le diplôme sera accessible en VAE en 2024.