En 2019, la pharmacie d'officine comptait 81 % de femmes parmi ses adjoints, un tiers ayant moins de 35 ans. Une proportion qui fait de la survenue d'une grossesse un événement hautement probable dans cette population. Et quand la grossesse est déclarée, le congé maternité est à prévoir quelques mois plus tard.
Cette période d'absence - 16 semaines cumulées entre les congés prénatal et postnatal en cas de premier ou deuxième enfant – dont la durée est prévue par le Code du travail, n'est pas sans poser quelques questions à certaines adjointes : « Comment s'effectue le paiement durant le congé maternité ? », « Pourrai-je bénéficier d'un maintien du salaire ? », « La subrogation du versement est-elle obligatoire ? », « Qui va me payer le complément des indemnités journalières ? », « Le salaire va-t-il être versé tous les mois ? »… Autant d'interrogations dont les réponses sont apportées par la Convention collective nationale de la pharmacie d'officine (voir ci-dessous « Trois questions à… »). Mais celle-ci, dans ses dispositions*, n'a pas traité que la question du salaire, comme le rappelle l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) : l'employeur doit tenir compte de l'état des femmes enceintes en ce qui concerne les conditions de travail, notamment en mettant à disposition de chaque salariée un siège approprié. Les examens médicaux obligatoires, dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l'accouchement, donnent lieu à une autorisation d'absence qui n'entraîne aucune diminution de la rémunération et est assimilée à une période de travail effectif.
Par ailleurs, conformément aux articles L. 1225-4 et suivants du Code du travail, l'employeur ne peut pas rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant les congés de maternité ou d'adoption et les congés payés pris immédiatement après, ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'arrivée de l'enfant. L'employée, en état de grossesse médicalement constaté, peut rompre le contrat de travail sans délai-congé et sans avoir à payer une indemnité de rupture (article L. 1225-34 du Code du travail). Elle peut également, à l'expiration du congé de maternité ou 2 mois après la naissance et sous conditions, le rompre pour élever son enfant (articles L. 1225-66 et suivants du Code du travail). Elle pourra, dans l'année suivant la rupture du contrat de travail, solliciter dans les mêmes formes sa réembauche. Enfin, à l'expiration du congé de maternité, tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'une année à la date de la naissance de son enfant, peut, sous conditions, soit bénéficier d'un congé parental d'éducation, soit réduire sa durée de travail sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à 16 heures hebdomadaires.
Ne pas désorganiser l'officine
La grossesse et les congés qu'elle suppose ne posent cependant pas que des questions d'aspect pratique et certaines difficultés peuvent émerger dans le rapport employeur/employée à l'annonce de l'événement. Le manque de communication, d'une part, le défaut de compréhension d'autre part, peuvent mettre à mal les relations entre les deux protagonistes. « Le succès d’une bonne gestion d’un congé maternité dépend de l’attitude bienveillante et du comportement réciproque que vont adopter le titulaire et l’adjointe, de l’annonce de la grossesse jusqu’au retour à l’officine, souligne Marie-Hélène Gauthey, directrice de l'organisme de formation Atoopharm spécialisé dans le management des équipes. Dans l’idéal, l’adjointe devrait informer son titulaire de son projet pour éviter l’effet de surprise. » En effet, l’annonce d’une maternité est très souvent une bonne nouvelle pour l’adjointe mais il faut comprendre qu’elle peut désorganiser l’officine et perturber les projets et la gestion du temps personnel du titulaire. Elle peut aussi avoir un impact économique sur l’officine. Pour éviter tout risque de dégradation de la relation voire de conflit, il faut que l’adjointe et le ou la titulaire adoptent une posture constructive et communiquent pour éviter la distorsion normale des préoccupations de chacun.
L’adjointe devra être aussi précise qu'elle le peut concernant ses projets futurs en indiquant, par exemple, si elle souhaite prendre un congé parental après son congé maternité. Si la gestation s’avère à risque de provoquer un arrêt anticipé, il est aussi préférable d'en informer l'employeur. « D'autre part, l’annonce de la grossesse doit se faire si possible en montrant son implication à aider le titulaire pour anticiper la période d’absence », poursuit Marie-Hélène Gauthey. L'adjointe peut ainsi se proposer pour aider à trouver un remplaçant en communiquant auprès de son réseau et participer au recrutement. « Le fait de montrer une posture constructive et agir pour éviter toute désorganisation de l’officine est un pas nécessaire pour maintenir une bonne relation. L’indifférence ou l’attitude du « je ne me sens pas concernée » ne pourront pas contribuer à susciter la bienveillance de la part du titulaire. » Attention également, pendant la grossesse, aux arrêts répétés sans explications précises qui pourraient également altérer la relation.
Maintenir la communication
De son côté, le chef d’entreprise doit considérer que la grossesse d'un salarié et les congés maternité qu'elle implique font partie de la vie de l’équipe au sein de l’officine. Il ne doit pas se laisser envahir par le stress lié aux actions à mener pour anticiper le remplacement de son adjointe. Au cas où l'emploi du temps de l’officine ou les projets personnels se trouvent chahutés par cette annonce, le titulaire doit aussi éviter tout ressentiment énergivore le portant à penser qu’« elle aurait pu attendre un peu » ou « ce n’est vraiment pas le moment ! ». « Il faut accepter la situation que le titulaire, de toute façon, ne pourra pas changer et être dans une posture positive qui débouche sur la recherche de solutions adaptées. Par exemple, exprimer clairement ses attentes pour éviter tout non-dit au cas où l’adjointe ne communiquerait pas suffisamment. »
Durant le congé maternité (voire parental), il est important pour l'adjointe de maintenir la communication avec le titulaire et l’équipe officinale. « Donner des nouvelles, s’intéresser à la vie de l’officine pendant une absence prolongée sont des preuves d’implication et le signe que l'on se sent concernée par son entreprise. » De son côté, le titulaire peut organiser une collecte pour offrir à la maman un cadeau de naissance. L'esprit d'équipe peut être préservé, même si l'on est à distance et il facilitera l'accueil de la maman dès son retour de congés. « La maternité d’une adjointe est une étape normale de la vie qui ne doit pas avoir d’impact négatif sur la relation de confiance dans le temps », conclut Marie-Hélène Gauthey, en insistant sur l'importance de la communication réciproque « à tous les stades, c'est la clé du succès ! ».
*Article 17 Maternité, paternité et adoption modifié par les avenants du 7 juillet 2003 et du 11 mai 2017.