Pour le Dr Vincent Sibaud, onco-dermatologue à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse (IUCT) Oncopole, tout est parti d’un constat. « Les toxicités et effets secondaires cutanés graves constatés chez les patients soignés pour des cancers ne sont pas enseignés à l’université ; et aucune recommandation thérapeutique n’est faite aux soignants, explique-t-il. C’est ce qui nous a décidés en 2021 à créer et coordonner ce réseau depuis Toulouse. »
L’hôpital toulousain - aujourd’hui l’Oncopole et auparavant l'Institut Claudius Regaud - a en effet une tradition de prise en charge de ces patients depuis une quinzaine d’années. « Je vois en consultation de recours environ 800 patients par an, atteints des formes les plus sévères », évalue le spécialiste.
Aujourd’hui, sous l’égide de la Société européenne de dermatologie et de vénéréologie, le réseau regroupe 120 membres officiels dans 25 pays européens ainsi que les États-Unis, l’Argentine et Singapour et a donné lieu à une dizaine d’articles. Réuni fin mai à Toulouse pour un symposium, le groupe a fait un état des lieux des toxicités constatées et des recommandations à tenir.
Effet classe des immunothérapies
Concernant les immunothérapies de dernière génération, par exemple, 35 % des patients traités par une seule molécule déclarent un effet secondaire avec une toxicité grave sur la peau. Lorsque le traitement combine plusieurs molécules, cela peut atteindre 60 %. On parle d’effet classe des immunothérapies.
Depuis l’Oncopole, la Dr Emmanuelle Vigarios répertorie ainsi les complications de la muqueuse buccale sous immunothérapie constatées dans la prise en charge de différents cancers et le plus souvent de la tête et du cou, du poumon et des mélanomes. « La sécheresse buccale peut léser les muqueuses et avoir des conséquences sur l’état et l’émail dentaire et finalement un retentissement sur l’état fonctionnel du patient, décrit le médecin. C’est pourquoi nous préconisons des recours à des traitements symptomatiques avec de la corticothérapie et l’on insiste sur le maintien d’une hygiène buccale soigneuse, des recommandations diététiques et une diversification alimentaire. »
Le réseau européen répertorie aussi tous types d’effets secondaires cutanés, comme un prurit après une radiothérapie, une hyperpigmentation après une chimiothérapie, la perte des cheveux sous hormonothérapie dans le cancer du sein.
Fiches patients en ligne
À la polyclinique Gemelli de Rome, l’onco-dermatologue Pietro Sollena recense ainsi les toxicités provoquées par de nouvelles molécules utilisées contre le cancer du sein. Une étude clinique, à laquelle il a participé, a mis en évidence un risque augmenté de vitiligo, d'eczéma et de rash cutané.
Ces recensements ont déjà donné lieu à la rédaction de fiches patients (une dizaine à ce jour), mises en ligne sur le site de la Société française de dermatologie. « Notre objectif est vraiment d’utiliser ces savoirs et de transformer cette matière pour faire de l’éducation thérapeutique aux patients, aux médecins et aux infirmières, indique le Dr Sibaud. D’ailleurs, nous proposerons bientôt une formation en ligne à destination des étudiants en santé européens. »