En une dizaine d'années, l'attitude des cardiologues vis-à-vis de l'activité physique et sportive a considérablement changé. Le Dr Antonio Pelliccia, chef du service de cardiologie de l'Institut de médecine et de science du sport, à Rome, résume la situation ainsi : « Chez les patients cardiovasculaires, on a longtemps considéré le sport à travers le seul prisme du risque de mort subite. Nous avons maintenant pris conscience que les bénéfices de l'activité physique régulière sont, en général, largement supérieurs aux risques », explique-t-il au « Quotidien ».
Les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC), publiées à l'occasion du congrès de la société savante et co-dirigées par le cardiologue italien, sont représentatives de ce changement de paradigme. Les précédentes de 2005 concernaient surtout les sportifs de haut niveau ou au moins pratiquant la compétition. Désormais, l'objectif est tout autre, « nous nous intéressons à la population générale, et en particulier aux patients atteints de pathologies cardiovasculaires, poursuit le Dr Pelliccia. Notre travail s'inscrit dans une stratégie globale ambitieuse visant à diminuer le fardeau des maladies cardiovasculaires dans la population générale ».
Les recommandations visent à promouvoir la pratique sportive, quel que soit l'état de santé cardiovasculaire du patient, en déterminant quels sont les sports les plus appropriés. « Dans 90 % des cas, les morts subites lors d'une activité physique surviennent dans la population générale, et non pas chez les athlètes d'élite », précise le Pr Sanjay Sharma, cardiologue à l'hôpital universitaire Saint Georges de Londres et également coauteur de l'étude. « Le premier des messages à faire passer est que tous les individus qui en sont capables devraient faire au moins 150 minutes d'exercice réparti sur 5 à 7 jours par semaine, résume le Pr Sharma. Si possible, cette durée doit être passée à 300 minutes. »
Si le texte s'adresse en premier lieu aux cardiologues, qui sont les plus à même de pratiquer et d'interpréter les différents examens (ECG, échocardiographie) et d'évaluer le niveau de risque du patient, il peut également servir de document de référence pour les médecins généralistes et les médecins du sport.
Une classification plus simple des sports
Les auteurs proposent une nouvelle classification des sports en quatre catégories : puissance, endurance, adresse, ou une combinaison de ces critères. Au sein de chaque catégorie, une nouvelle distinction a été opérée entre sports de faible intensité (majoritaires dans les sports d'adresse comme le golf), moyenne et forte intensité (majoritaires dans les sports d'endurance). C'est surtout de cette typologie d'intensité que va dépendre l'existence d'une contre-indication. À titre d'exemple : le ski alpin pratiqué en amateur est considéré comme un sport de puissance de faible intensité, quand le canoë-kayak est classé dans les sports d'endurance de forte intensité.
« Nous avons fait le choix de cette nouvelle classification, car celle que nous utilisions précédemment, la classification de Mitchell, était trop compliquée, argumente le Dr Pelliccia. Elle se base sur le croisement de 2 critères : le pourcentage de VO2 max et celui de la force maximale volontaire. Ce n'était pas assez intuitif pour les cardiologues. En général, le patient vient consulter avec son choix de sport. La classification permet d'évaluer facilement l'impact de ce dernier sur le système cardiovasculaire. »
Les recommandations insistent sur le fait que tous les sports sont susceptibles d'améliorer l'état de santé des patients : les sports d'endurance améliorent l'efficacité du système cardiovasculaire, tandis que les sports de force développent la puissance musculaire et améliorent la posture et le bien-être général. Dans le cas plus délicat des sports de haute intensité, « ils présentent plus de risque que de bénéfice, même après une évaluation minutieuse », estime le Dr Pelliccia.
Une stratification pour chaque pathologie
Les recommandations sont ventilées par type de pathologie : syndrome coronarien chronique, valvulopathie, cardiomyopathie, péricardite, trouble du rythme, fibrillation atriale, syndrome de Brugada, insuffisance cardiaque ou port d'un pacemaker, syndrome du QT long, etc.
Le texte propose une stratification du risque individuel pour chaque pathologie. Compte tenu de l’hétérogénéité des patients et de grand nombre de scénarios possibles, les auteurs insistent sur le fait qu'il ne faut pas considérer ces recommandations comme une opposition juridique. Ils insistent sur la nécessité d'un partage de la décision entre le médecin et le patient après information détaillée des risques de complication ou d'événement indésirables.
« La notion de décision partagée par le médecin et le patient est encore relativement neuve en Europe, reconnaît le Dr Pellicia. Il faut informer en toute transparence sur les bénéfices et les risques. Chez les patients atteints de pathologie ischémique, il y a un bénéfice bien sûr, mais aussi un risque d'aggravation des symptômes causée par l'exercice. Le patient doit être informé de ce risque résiduel. Il faut un document signé par le patient dans lequel il reconnaît qu'on lui a transmis ces informations, et surtout qu'il les a comprises, surtout pour le cas où les patients décident de ne pas suivre un avis médical. »
Congrès virtuel de l'ESC, du 29 août au 1er septembre 2020.