« Les deux approches sont complémentaires et il est important que différents projets voient le jour, car ils répondent à des questions scientifiques différentes », indique au « Quotidien » le Pr Jean Gaudart, médecin de santé publique, biostatisticien et co-investigateur principal du projet marseillais ANRS-Concert Safe (promue par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes).
Un kit comprenant un masque FFP2 distribué lors du concert
C'est le collectif des professionnels du spectacle DO3ME qui est à l'origine du projet marseillais. « Depuis l'été dernier, ce collectif se demande comment faire évoluer les mesures pour protéger les spectateurs. Nous avons ensuite transformé cela en question de recherche », explique le Pr Gaudart. L'objectif est de répondre à la question suivante : les mesures de prévention mises en place à l’occasion d’un concert ou d'un grand rassemblement permettraient-elles de tendre vers un risque de contamination aux virus respiratoires identique à celui auquel la population est exposée dans la vie quotidienne ? L'étude, qui porte sur le SARS-CoV-2 mais aussi sur le virus de la grippe et le virus respiratoire syncytial (VRS), prévoit deux concerts à 15 jours d'intervalle pour consolider les résultats.
« La particularité de notre protocole par rapport à ce qui est fait ailleurs en Europe est que nous n'allons pas tester les participants avant le concert », détaille le Pr Gaudart, précisant que cela est envisageable en raison de la jauge réduite et d'un protocole rigide pour assurer la sécurité des participants. Le premier concert devrait se tenir le 29 mai au Dôme de Marseille, avec environ 1 000 étudiants volontaires de l'université d’Aix Marseille, âgés de 18 à 29 ans. Un groupe de 1 000 autres étudiants, qui n'assistera pas au concert, fera office de groupe témoin.
« Une visite médicale est prévue à l'inclusion. Aucune personne présentant une situation à risque pour sa santé ou bien vivant avec une personne à risque ne sera incluse », précise le Pr Gaudart.
Le public sera assis lors du concert, qui devrait durer 2 heures − le nom de l'artiste (ou du groupe) qui jouera sur scène n'a pas encore été communiqué. Une moitié des participants présents seront assis sur des sièges côte à côte, tandis que l'autre sera espacée d'un siège. Un kit sera distribué à chacun, comprenant un masque FFP2, du gel hydroalcoolique, des mouchoirs, une bouteille d'eau et un sac-poubelle. En plus de ces mesures, « un traitement spécifique de l'air au sein du Dôme est prévu et des médiateurs seront présents sur place dans une optique de réduction des risques », souligne le médecin-chercheur. Des observateurs seront également présents pour vérifier l'adhésion aux mesures.
Un protocole qui pourrait être appliqué à d'autres situations
Un suivi téléphonique ou via une application est prévu tous les deux jours après le concert pour l'ensemble des participants, ceux ayant assisté au concert et les autres. L'objectif étant de s'assurer de l'état la fois infectieux et psychologique des participants. Et 7 jours après le concert, un test PCR par prélèvement salivaire sera effectué pour dépister les virus respiratoires.
Des prélèvements salivaires et sérologiques seront également réalisés en amont du concert, mais analysés après. Ils permettront de déterminer après coup si des personnes étaient positives à l'un des virus, ou non, lors du concert, et ainsi si elles ont, ou non, contaminé des personnes à cette occasion (les places étant nominatives). Le déroulé sera identique pour le deuxième concert. Au total, ce sont ainsi plus de 4 000 étudiants qui seront inclus dans l'étude.
Ce projet a passé toutes les étapes réglementaires requises. « Nous n'attendons plus qu'une dérogation ministérielle autorisant le rassemblement de 1 000 personnes », relève le Pr Gaudart, précisant que le protocole est évalué avec le même niveau de sécurité qu'un nouveau médicament expérimental. Les premiers résultats devraient être communiqués dans les deux mois suivant le deuxième concert, estime-t-il.
Au-delà des concerts, l'approche évaluée avec ANRS-Concert Safe, si elle s'avère satisfaisante, pourrait être étendue à d'autres lieux de rassemblement, comme les assemblées générales d'association, les amphithéâtres ou bien les théâtres.
À Paris, un concert avec 5 000 personnes prévues
Le concert-test parisien devrait également se tenir fin mai, selon un protocole différent, avec en particulier un test négatif exigé à l'entrée et une jauge de 5 000 personnes qui resteront debout et pourront danser. « Un autre groupe de 2 500 personnes resteront pour leur part à domicile », rapporte le « JDD », qui précise que le projet Spring (Study on Prevention of SARS-CoV-2 transmission in a large INdoor Gathering event) est coordonné par l'AP-HP. C'est le groupe Indochine qui devrait a priori se tenir sur la scène de l'Accor Arena.
Les deux projets ont reçu le label « priorité nationale de recherche », mécanisme qui vise à prioriser et accélérer la recherche clinique sur le Covid-19.