Plus ancienne qu’en France, la « crise des vocations » pharmaceutiques prend des dimensions inquiétantes en Allemagne, où 44 % des titulaires actuels partiront à la retraite d’ici à 2030, tandis qu’il manquera plus de 10 000 diplômés pour faire fonctionner le réseau. La profession attire de moins en moins d’étudiants mais, constatent les associations professionnelles, « on manque encore plus d’officinaux que de pharmaciens », car les nouveaux diplômés se tournent majoritairement vers l’industrie et l’hôpital. De plus, des secteurs comme l’agro-alimentaire ont désormais besoin de pharmaciens, alors qu’ils n’en recrutaient presque jamais auparavant.
L’ABDA, l’association fédérale des pharmaciens, se mobilise pour aider les titulaires à trouver des successeurs ou des adjoints, mais aussi et surtout à les garder : selon les recruteurs et autres DRH chargés d’organiser des séminaires pour la profession, les titulaires ne sont pas du tout formés aux recrutements de longue durée et doivent comprendre que sur le marché de l’emploi, ce sont eux et non plus les adjoints qui sont demandeurs. « Au lieu de perdre votre argent en organisant des séances de fitness ou de yoga pour vos employés, ce qui ne sert à rien, prenez du temps pour souder votre équipe autour d’un vrai projet commun », expliquent ces spécialistes des ressources humaines qui veulent aussi apprendre aux pharmaciens à regarder leurs adjoints dans les yeux et à nouer des dialogues réguliers avec eux. Souvent, rappellent-ils, le problème est moins l’engagement d’un adjoint que sa pérennité : il faut lutter contre le « syndrome de la baignoire mal fermée » qui se vide pendant qu’elle se remplit. Dans le même temps, l’ABDA vient de présenter un nouveau portail consacré au recrutement, car les jeunes pharmaciens se servent beaucoup plus d’outils digitaux que d’annonces classiques pour trouver un emploi.
À l’officine même, l’évolution de l’activité peut être un facteur d’attractivité des pharmaciens, constatent ceux qui se sont déjà lancés dans les « nouveaux services », dont 5 sont désormais rémunérés par l’assurance maladie. Ils concernent les prises régulières de tension, les entretiens pharmaceutiques, notamment avec les patients sous ACO, ou transplantés, ainsi que la formation aux inhalateurs utilisés dans l’asthme et la BPCO. À cela s’ajoutent les vaccinations et le développement des bilans de médication. D’autres nouveaux services sont prévus ou déjà en phase d’évaluation. Menée dans deux Länder de 2014 à 2022, l’expérience de concertation et de suivi pharmaceutique « ARMIN », associant médecins et pharmaciens, vient de s’achever sur un bilan très positif avec un net recul de la mortalité des patients polymédiqués qui y ont participé.
« Les nouveaux services permettent de fidéliser les équipes qui les proposent », estime Franziska Scharpf, titulaire d’une officine dans les Alpes bavaroises, tandis qu’Ilias Essaida, actuellement stagiaire en officine, admet qu’il n’aurait pas choisi ce métier sans le développement de ce type d’activités. Des points de vue confirmés par d’autres équipes, qui souhaitent toutes les voir rapidement se multiplier à travers le pays.