Lentement, mais sûrement, le réseau a perdu 10 % de ses officines en 10 ans. En moyenne, 210 pharmacies ferment chaque année en France sans que l’on mesure l’importance de ces disparitions sur le terrain. « On s’est habitué à perdre des officines depuis des années et aujourd’hui, ça ne s’est pas encore trop vu », constate Olivier Rozaire, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes, qui a quantifié les conséquences sur la population des fermetures de ses pharmacies rurales.
L’URPS a cartographié, dans une étude exploratoire présentée ce 3 avril à l’Assemblée nationale, les pharmacies essentielles de son territoire, qu’elle définit comme des pharmacies uniques dans une commune, situées à plus de dix minutes d'autres officines, avec un chiffre d'affaires « cœur de métier » inférieur à 1,3 million d'euros, gérées par un seul titulaire et dans des communes avec une faible présence de médecins généralistes. Elles sont 81 et, parmi elles, 53 sont considérées comme fragiles. La Savoie, le Cantal, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme sont les départements les plus concernés. « Les difficultés ne sont pas principalement liées à un problème économique. C’est dans la majorité des cas une inquiétude sur la reprise de l’officine, insiste encore Olivier Rozaire. Les gens ne veulent plus aller travailler dans ces territoires. Ce sont des territoires qui ont été stigmatisés. »
En France, il y aurait 500 ou 600 officines qui potentiellement, dans les territoires ruraux, pourraient disparaître.
Yannick Neuder, député de l’Isère (LR)
Pour la région, ces « pharmacies en danger » sont amenées à disparaître dans les 4 à 5 prochaines années. Et si elles ferment, « il y a une augmentation de la difficulté d’accès aux officines », conclut le président de l’URPS pharmaciens ARA. Plus concrètement, l’étude démontre que « 70 000 individus supplémentaires se trouvent à plus de dix minutes d'une pharmacie, représentant un impact pour 4,5 % de la population totale ». Et même plus : 37 000 personnes supplémentaires seraient éloignées de plus de 15 minutes d’une pharmacie, pour un total de presque 96 000 personnes impactées, avec une hausse de 64 % de la population touchées. « Des pharmacies qui ferment, c’est autant de services qui ne sont plus assurés dans les territoires », prévient Olivier Rozaire.
Cette étude, « c’est une photo de 10 % de la France », souligne le député de l’Isère Yannick Neuder (LR). Le problème est d’envergure nationale. « La région Auvergne-Rhône-Alpes est assez représentative du territoire national, complète le président de l’URPS pharmacien. En France, il y aurait 500 ou 600 officines qui potentiellement, dans les territoires ruraux, pourraient disparaître. »
Un constat partagé dans d’autres territoires. Dans l’Est de la France, « ces disparitions font des trous », ajoute Christophe Wilke, président de l’URPS pharmaciens Grand-Est et président de la commission pharmacie clinique et exercice coordonné de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Dans la Meuse, la distance entre deux officines peut atteindre 48 km. « Bientôt 52 km », déplore Christophe Wilke. « Une fois que l’officine a disparu, c’est très compliqué de récréer là où il n’y a plus rien », déplore Olivier Rozaire.
Des actes
Pour les représentants, « les solutions ne peuvent être que nationales. » Et mises en place le plus vite possible. « Mais avant de trouver des dispositifs qui permettraient de re-accéder à une offre de soins, l’important aujourd’hui est de pouvoir conserver ce fameux maillage des officines », poursuit Olivier Rozaire.
L’URPS pharmaciens ARA associée à la FSPF a ainsi émis 11 recommandations, soutenues par le député Yannick Neuder. Attractivité, vente en ligne, actions de prévention, indemnités d’hébergement pour les étudiants en stage et extension du dispositif France Ruralités et de ses avantages fiscaux aux officines sont sur la liste. D’autres propositions reposent sur « le rôle social du pharmacien dans la cité », explique le député LR : rôle de vigie sociale et de guichets sanitaires rattachés à France Services.
Il faut aussi « cesser les économies sur les produits de santé affectant le reste à charge patient et les officines. » Mais surtout, trouver une issue aux négociations conventionnelles en cours, en particulier sur les revalorisations d’honoraires, et avancer sur la publication du décret « territoires fragiles », en chantier depuis plus d’un an. Et de mettre la pression aux pouvoirs publics : « L’Assurance maladie propose de mettre en place une enveloppe pour les pharmacies fragiles (de 20 000 euros, N.D.L.R.). La direction générale de l’offre de soins (DGOS) travaille sur un texte qui permet d’identifier les territoires fragiles. On demande que les textes sortent, que les enveloppes sortent et que ce soit applicable dès la fin 2024. Il faut faire quelque chose aujourd’hui, car des officines continuent à disparaître sur les territoires », lance le président de l’URPS pharmaciens ARA.
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