Le constat est unanime. Restée marginale malgré sa prise en charge par l’assurance-maladie depuis septembre 2018, la téléconsultation a enregistré un boom inopiné avec l’arrivée de la crise du Covid-19 en France et la mise en place du premier confinement. Invités à rester chez eux, patients chroniques comme aigus ont peu consulté durant cette période, ou se sont tournés vers la télémédecine.
« Il y a eu plus de réticences du côté du corps médical traditionnel que du côté des patients », note Jacques Lucas, cardiologue, ancien vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) et président de l’Agence du numérique en santé (ANS, ex-Agence des systèmes d’information partagées de santé ou ASIP Santé). « Ces téléconsultations ont surtout permis de réguler des patients suspectés de Covid-19, elles ont moins concerné le suivi des pathologies chroniques. Mais les patients diabétiques qui en ont bénéficié en sont plutôt satisfaits. Les médecins aussi, mais ils soulignent que ces téléconsultations sont plus longues que les consultations traditionnelles, ce qui peut s’expliquer par la période particulière du confinement. »
Continuité des soins
La Fédération française des diabétiques (FFD) va prochainement publier les résultats d’une enquête sur les diabétiques et la téléconsultation réalisée avant la crise sanitaire. Des résultats qui devront être comparés à ceux d’une deuxième enquête, sur le même thème, réalisé au moment du déconfinement. « Nous constatons une forte appétence des diabétiques pour la téléconsultation, il s’agit prioritairement d’une population jeune, active, féminine, ayant un diabète de type 1 et sous insuline. Ils sont opposés à un paiement plus élevé en téléconsultation, privilégient la pratique avec leur médecin habituel et insistent sur un accès équitable pour toute la population. Une 3e enquête, retardée par le reconfinement, est prévue en mars 2021 pour apprécier l’évolution de l’utilisation de la télémédecine par les patients diabétiques », indique le Dr Jean-François Thébaut, vice-président de la FFD et cardiologue.
Du premier confinement, les professionnels de santé ont tiré la leçon de l’importance de la continuité des soins pour les patients non Covid, que ce soit pour une pathologie chronique ou aiguë. C’est pourquoi ils répètent à l’envi, depuis le reconfinement, que les cabinets restent ouverts et que les consultations doivent se poursuivre pour éviter toute perte de chance, que ce soit en distanciel quand cela est possible, ou en présentiel. Bien que les médecins aient massivement franchi le pas de la téléconsultation, ils sont nombreux à demander un meilleur accompagnement. « Ils s’y sont mis mais souhaitent que les outils nécessaires à la téléconsultation soient référencés et mieux connaître ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire. La Haute Autorité de santé (HAS) a publié un guide de grande qualité sur la téléconsultation, mais il ne répond pas toujours aux situations en pratique. C’est pourquoi la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a décidé de réaliser des fiches sur des cas d’usage, un projet auquel l’ANS est associée. Il y aura par exemple une fiche sur l’examen ORL en téléconsultation », explique Jacques Lucas.
Un moyen palliatif en temps de Covid
Pour que cette nouvelle manière d’exercer la médecine soit un succès, le président de l’ANS insiste pour que les pharmaciens y soient pleinement associés, ne serait-ce que pour assister les patients peu familiers des nouvelles technologies qui ont besoin d’un accompagnement, ceux qui n’ont pas l’équipement nécessaire ou qui se trouvent en zone blanche. Une vision partagée par Agnès Firmin Le Bodo, pharmacienne au Havre (Seine-Maritime) et députée. Si elle plébiscite la téléconsultation, elle insiste sur l’importance qu’elle ne devienne pas la règle entre le médecin et son patient et que les consultations physiques soient aussi poursuivies. Ce que confirme Marc de Kerdanet, président de l’Aide aux jeunes diabétiques (AJD) et pédiatre. « La consultation est une relation de soins particulière. La téléconsultation est un très bon moyen de pallier certains problèmes comme en temps de Covid, mais ce n’est pas un moyen qui garantit une rencontre de qualité. »
En outre, Agnès Firmin Le Bodo appelle à la vigilance concernant les sociétés de téléconsultation « dont on ne sait pas toujours qui est le professionnel à l’autre bout ». Or ces plateformes sont en plein développement. « Je le vois en pharmacie avec les ordonnances présentées par les patients. Quand je les interroge, je me rends compte que souvent ils ne connaissent pas le médecin qui a prescrit, parfois ils ne savent pas que le médecin se trouve en Angleterre, voire que ce n’est pas un médecin », prévient-elle. C’est pourquoi Jacques Lucas, s’il reconnaît la place des plateformes de télémédecine « dans certaines zones et dans certaines circonstances », réaffirme la priorité à donner au parcours de soins, et donc à la consultation du médecin habituel.
* D’après un colloque de la FFD le 10 novembre, « Sommes-nous en bonne voie pour une médecine fondée sur l’humanisme ? », à l’occasion de la journée mondiale du diabète le 14 novembre 2020.
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