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Budget de la Sécu : ce qui plaît, et ce qui plaît moins

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Publié le 06/10/2022
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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, présenté fin septembre, aurait pu être le texte parfait pour l’officine. De fait, toute une série de mesures consacrent la place du pharmacien dans le parcours de soins. Mais une disposition « catastrophique » pourrait annihiler toutes les autres (voir page 5). Panorama de ce PLFSS très « pharmacien ».
Un texte plutôt conforme aux attentes de la profession... à une exception près

Un texte plutôt conforme aux attentes de la profession... à une exception près
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

• Consultations de prévention gratuites

À trois âges de la vie (25, 45 et 65 ans), les Français se verront proposer, dès l'année prochaine, des consultations gratuites pour faire le point sur leur santé physique et mentale, leurs éventuelles addictions, leurs vaccinations… « Les trois âges de la vie auxquels seront proposées ces consultations correspondent au calendrier des rappels défini par la Haute Autorité de santé (HAS) pour le vaccin DTP, souligne Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Les pharmaciens pourront donc, d'une part, faire ces rappels à ces âges clés, vu que nous y serons autorisés, puis orienter vers le médecin pour les autres thèmes de prévention. Ce sera pluridisciplinaire. » Philippe Besset n'en doute pas, le pharmacien sera bien impliqué. Comme le fait remarquer le président de la FSPF, l'article 16 du PLFSS 2023 ne stipule pas que seuls les médecins peuvent être sollicités, ce qui laisse la porte ouverte à une implication des officinaux, selon son analyse. Quant à Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), s'il trouve l'idée « belle sur le papier », il attend de voir comment elle sera mise en œuvre sur le terrain.

• Contraception d’urgence

L’extension de la prise en charge, par l’assurance-maladie et à 100 %, de la contraception d’urgence à toutes les femmes et non plus seulement les mineures, est « une excellente nouvelle » pour les deux syndicats. Cette mesure, annoncée dès le 21 septembre par le ministre de la Santé, François Braun, semble très attendue. Alors qu’elle n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier prochain, le président de la FSPF note déjà une recrudescence de demandes au comptoir de la part de femmes majeures. Celles-ci peuvent déjà obtenir la pilule du lendemain sans ordonnance auprès d’une pharmacie mais elles ne bénéficient alors d’aucune prise en charge de l’assurance-maladie. « J’espère que ce parcours patient en accès direct au médicament avec prise en charge par l’assurance-maladie servira d’exemple, notamment dans la cystite ou l’angine », lance Philippe Besset.

• Prescription et administration des vaccins

Le texte présenté le 26 septembre en conseil des ministres inscrit dans la loi la possibilité pour les pharmaciens de prescrire et d’administrer, « dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, certains vaccins dont la liste et, le cas échéant, les personnes susceptibles d’en bénéficier, sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». Une possibilité qui était déjà inscrite au code de la santé publique, rappelle Philippe Besset, « mais il nous manquait la prise en charge ». Le PLFSS 2023 prévoit que c’est la convention pharmaceutique qui détermine « la tarification des honoraires dus aux pharmaciens par les assurés sociaux au titre de leurs missions de vaccination ». Une rédaction « conforme à ce que nous attendions », précise Pierre-Olivier Variot.

• Des rémunérations prévues par voie conventionnelle

Quel est le point commun du dépistage du cancer colorectal, de la dispensation de médicaments à domicile et de la délivrance de médicaments à l’unité dont les stupéfiants ? La rémunération du pharmacien est déterminée par la convention pharmaceutique, a décidé le PLFSS. « Nous allons pouvoir négocier ces rémunérations conventionnellement », se réjouit Philippe Besset, qui y voit d’ailleurs une ouverture potentielle vers la préparation des doses à administrer (PDA), l’un des plus anciens serpents de mer des discussions entre l’officine et la CNAM.

• Des entretiens d’accompagnement et des tests

Le PLFSS 2023 modifie des formulations qui pouvaient être bloquantes pour l’évolution des missions officinales. Ainsi, les entretiens pharmaceutiques ne pouvaient jusqu’alors être que de deux types : un accompagnement pour des patients sous traitement chronique ou un bilan partagé de médication (BPM). Or la convention pharmaceutique prévoit de nouveaux accompagnements orientés vers la prévention. Le projet de loi supprime les formulations restrictives et parle désormais d’entretiens d’accompagnement. De la même façon, il remplace les « tests de diagnostic rapide » par le terme « test ». Selon Philippe Besset, ce changement était nécessaire pour que le pharmacien puisse, à terme, réaliser le test dans la cystite (bandelettes urinaires) mais il permet aussi « de proroger, si le ministre le souhaite, les tests antigéniques au-delà du 31 janvier 2023 ».

• Délivrance sur ordonnance expirée

Une disposition du PLFSS prévoit que l’assurance-maladie prend en charge les médicaments et dispositifs médicaux remboursés lorsqu’ils sont dispensés par le pharmacien, en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient, sur présentation d’une ordonnance expirée, « dans la limite d’un mois au-delà de la durée de traitement initialement prescrite ». Cette autorisation avait été inscrite dans le code de la Sécurité sociale l’an dernier « mais il manquait un décret d’application ; cet article du PLFSS règle le problème », indique le président de la FSPF, qui précise que cette mesure entrera en vigueur au 1er janvier prochain.

• Fin du remboursement des arrêts de travail pris en téléconsultation

Selon les chiffres du ministre de la Santé, 110 000 arrêts de travail ont été délivrés par téléconsultation en 2021, soit deux fois plus que l'année précédente. « Dans 80 % des cas, les patients avaient un médecin traitant », affirme François Braun. Parce qu'il soupçonne de nombreuses dérives dans ce domaine, avec des patients qui « enchaînent les consultations en ligne jusqu’à trouver celui qui voudra bien leur délivrer un arrêt maladie » selon le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gabriel Attal, le gouvernement veut durcir les règles. L'exécutif souhaite précisément ne plus rembourser les arrêts de travail obtenus par téléconsultation, sauf s'il émane du médecin traitant. Une annonce qui a fait réagir de nombreux Français, ceux qui n'ont pas de médecin traitant et tous ceux qui doivent attendre plusieurs jours avant d'obtenir un rendez-vous. François Braun a précisé que plusieurs exceptions pourraient donc être acceptées. Parmi ces « cas particuliers » : les personnes âgées « vivant dans une zone sous dotée » en cabinets médicaux ou « dont le médecin traitant a arrêté de travailler ». Il devrait également être toujours possible de voir un arrêt de travail pris en charge par la Sécu s'il a été obtenu en téléconsultation avec un prescripteur qui n'est pas le médecin traitant mais « qui vous a vu dans les 12 mois précédents », a ajouté le ministre. La mesure doit entrer en vigueur le 1er juin 2023.

• Marge réglementée sur les dispositifs médicaux (DM)

« On ne sait pas encore si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle », commente d’emblée Philippe Besset. Le PLFSS prévoit en effet de remplacer la négociation des tarifs de distribution des DM au cas par cas avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) par une marge réglementée comme pour les médicaments. « Cela présage d’une grosse négociation pour parvenir à un arrêté de marge, mais je l’accueille favorablement parce que c’est de la simplification, même si on ne va forcément pas tomber d’accord avec le CEPS, explique le président de la FSPF. Actuellement on y passe beaucoup de temps, nous sommes sollicités quasiment tous les jours pour ces négociations, et dans les deux tiers des cas on n’arrive pas à un accord et le CEPS fait quand même, donc… À voir si une fois cette marge instaurée, nous sommes perdants ou gagnants. »

• Suppression de l’objectif générique

Parce que l’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 a supprimé tout intérêt à l’atteinte d’un potentiel objectif de substitution par les pharmaciens, celui-ci est abrogé du code de la Sécurité sociale. « Cet objectif n’avait plus de raison d’être puisque l’article 66 prévoit qu’en cas de refus de substitution par le patient, le remboursement par l’assurance-maladie se fait sur la base du générique », rappelle Philippe Besset. À l’atteinte de cet objectif était subordonnée une ROSP (rémunération sur objectif de santé publique) qui a d’elle-même disparu l’an dernier.

• Déconventionnement

Le code de la Sécurité sociale prévoit que l’assurance-maladie peut déconventionner un professionnel de santé en cas de violation des engagements conventionnels, notamment lorsque cette violation est « particulièrement grave ou qu'il en résulte pour l'organisme un préjudice financier ». Le PLFSS 2023 précise que ce déconventionnement peut désormais s’appliquer au pharmacien d’officine. Interrogé sur la mise en pratique, le directeur général de l’assurance-maladie, Thomas Fatôme, explique qu’un travail est en cours avec le ministère de la Santé. À ce stade, les instances sont prises entre deux feux. Elles veulent « s’assurer que le déconventionnement a un effet bien réel vis-à-vis du pharmacien, car si l’officine continue à fonctionner sans conséquence économique c’est ennuyeux ». Mais dans le même temps, « on ne veut pas fermer une pharmacie pour fermer une pharmacie, notamment dans certains territoires ».

• 900 000 euros de baisse de prix sur le médicament

Les économies annoncées sur le médicament renouent avec la tradition des PLFSS d’avant-crise Covid. Le PLFSS 2023 prévoit en effet des baisses de prix pour un total de 900 000 euros l’an prochain. L’impact est modéré en pharmacie parce que la rémunération est désormais en grande partie décorrélée des prix, et parce que les baisses de prix concerneront en priorité des médicaments très chers, sur lesquels les pharmaciens ne margent pas. Néanmoins, relève Philippe Besset, si ces baisses de prix conduisent à des difficultés d’accès au médicament en France, cela concerne le pharmacien au premier chef.

Pascal Marie et Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien