Le Quotidien du pharmacien.- Quels risques prend un pharmacien en décidant de s'appuyer sur un fonds d'investissement ?
Guillaume Racle.- Je peux citer deux exemples concrets. On a eu récemment le cas d'un pharmacien qui faisait partie d'un groupement adossé à un fonds d'investissement. Ce titulaire détenait 100 % du capital et pensait pouvoir vendre son officine à son adjoint. Il s'est finalement rendu compte que le groupement avait un droit de préemption sur le rachat et l'adjoint n'a pas pu l'acquérir. Autre cas pendant la crise du Covid, là encore avec un groupement lié à un fonds. Ce dernier prétendait avoir distribué des tests antigéniques à des professionnels de santé et demandait aux pharmacies de les facturer. L'assurance-maladie a mis son nez dans l’affaire et s'est rendu compte que des boîtes n'avaient jamais été remises. Certaines de ces officines ont été déconventionnées. Des pharmaciens qui ont décidé de faire appel à un fonds et ont vécu une mauvaise expérience ont décidé de changer de métier une fois qu’ils s’en sont sortis…
La pression mise par les fonds d'investissement peut pousser le pharmacien à la fraude. Décider de s'appuyer sur un fonds, c'est une perte d'indépendance, de déontologie, de probité… Pour les patients, le risque c'est une diminution de l'accès aux soins car, on le sait, le but de ces fonds c'est l'hyper-concentration. Leur volonté d'optimiser les coûts se fait également au détriment de la qualité de soins.
Comment ces fonds d'investissement arrivent-ils à convaincre de jeunes pharmaciens de leur faire confiance ?
Les fonds d'investissement ne démarchent pas directement les étudiants à l'université, cela se fait par l'entremise de certains groupements. Ils attirent des jeunes en leur disant qu'ils vont booster leur projet, que, grâce à eux, ils pourront acheter une pharmacie en seulement 3 ou 4 ans même s'ils n'ont pas d'apport, leur promettent une rentabilité de 9 % en seulement 3 à 6 ans, ce qui est totalement impossible… Ils leur disent de viser des grandes pharmacies, que les petites n'ont pas d'avenir. Ceux qui cèdent à ces promesses se retrouvent avec une charge de travail inhumaine. On leur dit ce qu'ils doivent faire. Ils ne prennent pas leur propre expert-comptable ou avocat… Ils se retrouvent embarqués dans un système et ils sont seuls.
Lutter contre la financiarisation de la pharmacie est-il un vœu pieux ?
Non, cela n'a rien d'inéluctable selon moi. Il faut par contre commencer par identifier les facteurs qui peuvent favoriser la financiarisation. Les difficultés qu'ont de nombreux jeunes pour s'installer en est un par exemple. Ensuite, il faut voir quelles solutions existent pour contrer ce phénomène. Envisager peut-être des leviers juridiques qui permettraient de vérifier l'origine des fonds. Mettre en place des structures plus agiles et proposer des aides éthiques aux jeunes pour qu'ils puissent être indépendants. Certaines existent déjà, comme le fonds InterPharmaciens de la CAVP, qui rencontre d'ailleurs un très grand succès.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Cas de comptoir
Douleur et fièvre au comptoir
Gestion comptable
Fidéliser sa clientèle ? Oui, mais pas à n’importe quel prix