Le Quotidien du pharmacien. - Comment redonner goût à l'installation aux futurs diplômés et aux jeunes pharmaciens ?
Ludivine Roustant. - Les étudiants, amenés à faire des choix très tôt dans leurs parcours, peuvent manquer de visibilité sur tous les aspects du métier et la richesse d’exercice de cette profession. Il faut accentuer les bonnes initiatives pour donner le goût à l’installation. Par exemple, présenter le métier comme un secteur porteur auprès de tous collégiens et lycéens, dans le cadre des forums de carrière. Leur faire savoir qu'être docteur en pharmacie et chef d’entreprise, c'est exercer un métier valorisant, profondément dédié à la personne et à son bien-être tout en étant son propre patron.
Par ailleurs, les étudiants devraient pouvoir être sensibilisés davantage avant le choix du cursus de pharmacien d’officine. Et il serait opportun de créer dès la cinquième année, puisque l’étudiant a fait le choix au 2e semestre de la 4e année, l’unité d'enseignement (UE) de la voie officinale, une UE libre. Celle-ci comprendrait 3 modules indépendants et complémentaires sur 3 semestres. Les étudiants pourraient ainsi s’approprier le vocabulaire, la lecture du marché, les domaines juridique et financier, ainsi que les notions de développement commercial, de communication, de management et du pilotage d’indicateurs. Il existe des formations, comme le DU de Lille ou à Bordeaux où le module « culture professionnelle » est excellemment travaillé. Il me semblerait opportun de travailler la capacité d’entreprendre sur un programme long et dans toutes les universités.
L'idée d'accompagner les jeunes dans leur projet d'installation n'est pas nouvelle. Avant vous, les groupements et les grossistes-répartiteurs se sont investis dans cette voie. En quoi votre démarche est-elle inédite ?
En réalité, nos activités s’inscrivent en complémentarité car notre positionnement sur le marché officinal est différent. Notre métier de courtier en prêt n’est pas nouveau non plus. Notre constat est simple. Le titulaire, de surcroît un jeune futur installé, est à la recherche de temps et de facilité. Les délais sont longs, depuis l’idée de se lancer dans un projet jusqu’à sa réalisation. Pourtant, il doit absolument tout maîtriser et bien comprendre pour décider. Mettre en place un projet structurant d’installation, de transfert/regroupement, voire de MSP, tout en exerçant son métier de docteur en pharmacie et en pilotant son outil de travail procède d'un parcours du combattant.
Sans compter qu’une vingtaine d’acteurs est impliquée nécessairement dans le projet, autour de nombreux domaines de compétences que le pharmacien doit appréhender. Ce sont des quantités d’informations, de supports et d’échanges qui évoluent en permanence avec toutes les parties prenantes. De manière totalement indépendante puisque nos services seront rétribués uniquement à la mise en place effective de l’opération, nous proposons de collecter, d'analyser, de contrôler et enfin de synthétiser pour le pharmacien. Ce duo gagnant permet d'avancer sereinement dans le projet, tout en challengeant toutes les conditions financières de l’opération.
Les diverses aides à l'installation qui ont vu le jour au cours des dix dernières années sont souvent accusées d'avoir contribué à la hausse des fonds. Est-ce réellement le cas ?
Elles ont surtout contribué à fluidifier le marché et à permettre à de nombreux pharmaciens de s’installer ! Elles ont aussi impulsé des initiatives et de l’espoir, notamment auprès d’étudiants qui ne pouvaient imaginer être aidé et s’installer dans le temps. Dans un projet, les aides à l’installation et, dans un autre registre, les dispositifs d’exonérations sous certaines conditions ou l’utilisation de SPFPL comme effet de levier, procurent indéniablement des avantages. Mais cela ne doit que conforter la faisabilité financière déjà effective de l’opération. Or la validation de la « faisabilité financière d’un projet » ne repose pas uniquement sur les éléments chiffrés de l’opération. Elle s’adosse à de nombreux critères, travaillés pour être synergiques, et qui imposent une cohérence au projet. Sans cette démarche, en période difficile comme en cette période d’inflation durable sur les charges fixes et sur les charges de personnel, les marges de manœuvre, considérablement réduites, ne permettent plus de suivre la feuille de route et de traverser l’orage.
Aujourd’hui plus qu’hier encore, le pharmacien doit être un excellent gestionnaire. C’est en cela qu’il est fondamental de se faire accompagner et d’élaborer son projet autrement. Les directeurs commerciaux font des business plans d’atterrissage, à l’abri de nombreuses données pour scénariser les périodes difficiles. Le pharmacien aura des difficultés s’il peut uniquement s’appuyer sur la restructuration de la dette en cas de coup dur. D’autant quand les taux ont pris 3 points de base.
Sur un marché qui a désormais intégré la valorisation des fonds par la rentabilité, les inconnues pesant désormais sur l'économie officinale ne risquent-elles pas de brouiller les pistes pour les jeunes repreneurs ?
De fait, les fonds sont aujourd'hui essentiellement valorisés sur la rentabilité, même si les regards sont encore portés sur le chiffre d'affaires, comme ancrage. Mais je ne dirais pas que les pistes sont brouillées. Car lorsque vous suivez de près le marché, son économie, sa réglementation, ses perspectives et depuis de longues années, vous pouvez éclairer justement, conseiller, traduire les situations et trouver des solutions. Cette lecture et ce qu’il convient d’en faire surtout, font appel à d’autres compétences en matière de développement commercial, de management, de réflexions autour du numérique. Elle inclut également le parcours de soins, en plaçant le patient au cœur du projet de son installation. Les projets des repreneurs aujourd’hui se construisent et s’analysent sous d’autres angles, la profession vit un véritable tournant, nous les accompagnons. Ce sont bien les travaux menés sur d’autres critères d’appréciation qui vont transformer un projet classique en un projet qui va révéler tout son potentiel !
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