C’est un constat depuis la fin de la pandémie. La résistance du maillage officinal est de plus en plus mise à l’épreuve. L’érosion de la marge, les difficultés croissantes pour trouver repreneur, obligeant certains titulaires à céder leur officine pour un euro symbolique, la pénurie de personnels dans des régions en manque d’attractivité sont autant d’alertes régulièrement émises par les observateurs du secteur. Les statistiques de la démographie de l’Ordre national des pharmaciens pour 2023 viennent corroborer ces craintes.
Sous le seuil des 20 000 officines
L’année dernière, la France métropolitaine a perdu 1,3 % de ses officines, au nombre désormais de 19 887. Le réseau a ainsi rétréci de 9,7 % en dix ans. Alors qu’on enregistrait 3 005 habitants pour une officine en 2013, cette moyenne est passée à 3 421 en 2023, contre 3 368 un an auparavant. En 2013, la France métropolitaine comptait 34 pharmacies pour 100 000 habitants. Elle n’en détient désormais plus que 30. Cette dégradation, toutefois, ne s’est pas opérée de manière homogène. En effet, il y a encore un an, 68 % des départements français détenaient plus de 30 pharmacies pour 100 000 habitants, ils ne sont plus aujourd’hui que 62,5 %. Pour l’heure, les régions d’Île-de-France, d’Auvergne-Rhône-Alpes et de Nouvelle-Aquitaine semblent épargnées par ce relâchement du maillage puisqu’elles concentrent à elles seules 40 % du réseau officinal. À l’autre bout de l’échelle, en revanche, la vaste région du Centre-Val-de-Loire (6e région de France métropolitaine en superficie) ne compte que 754 pharmacies dans ses six départements pendant que ses voisines Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine en dénombrent respectivement 2 385 et 2 037. De même, dans l’Hexagone, 9 villes de plus de 200 000 habitants constituent désormais 10 % du réseau officinal.
Plus du tiers des officines françaises (35 %) constitue le cœur même de l’offre de soins de proximité car elles sont installées au sein de communes de moins de 5 000 habitants
Bruno Maleine, président de la section A (titulaires)
Au cœur de l’offre de soins
Bien que ces concentrations s’expliquent par des facteurs démographiques, elles n’en restent pas moins inquiétantes en termes d’accès au médicament. Une préoccupation qu’exprime Bruno Maleine, président de la section A (titulaires), auprès du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). « Plus du tiers des officines françaises (35 %) constitue le cœur même de l’offre de soins de proximité car elles sont installées au sein de communes de moins de 5 000 habitants. 31 % d’entre elles sont par ailleurs situées dans des communes ayant entre 5 000 et 30 000 habitants. » « Et si le maillage se maintient, poursuit-il, il mérite toute notre attention pour garantir une desserte optimale de la population en médicaments, tout spécialement sur les territoires en tension. » Des dispositions spécifiques ont d’ailleurs été émises pour endiguer la désertification pharmaceutique. Que ce soit l’expérimentation des antennes de pharmacie ou encore plus récemment le dispositif conventionnel de soutien aux pharmacies situées dans des territoires dits « fragiles ». Suffiront-elles pour autant à stabiliser l’approvisionnement des populations, tout particulièrement dans les quelque 29 362 communes de moins de 2 000 habitants qui concentrent 18 % du réseau officinal ?
Les fermetures sèches, majoritaires
Depuis 2013, 2 028 officines ont disparu du paysage. La plus forte hémorragie de ces dix dernières années a frappé l’Allier qui a vu disparaître 22 % de son réseau officinal, l’Ariège (- 20 %), l’Yonne (- 20 %), le Gers (- 19 %) et la Corrèze (- 18 %). Le phénomène semble loin d’être endigué car, en 2023, après une accalmie entre 2021 et 2022, les fermetures d’officine se sont à nouveau accélérées, augmentant de 17,5 %. Ces quelque 248 pharmacies qui ont baissé le rideau sur le territoire métropolitain se situaient principalement en Île-de-France (56), en Auvergne-Rhône-Alpes (34), en Bourgogne-Franche-Comté (21) ou encore en Normandie et en Bretagne, où 20 disparitions sont respectivement relevées.
Autre signal d’alerte, les fermetures sèches, c’est-à-dire ne donnant pas lieu à une reprise, sont désormais majoritaires. Alors qu’elles ne constituaient que 45,3 % des cas en 2022, ces fermetures « non indemnisées » représentent 64,2 % des disparitions d’officine. 30 fermetures ont donné lieu à des regroupements contre 39 un an auparavant. Le nombre de liquidations judiciaire (10) reste, quant à lui, stable. « 44 % des fermetures d’officines en 2023 concernent des pharmacies ayant un chiffre d’affaires compris entre 500 000 et 1 million d’euros », relève l’Ordre. Trop petites pour faire vivre leur titulaire ? Trop isolées ? Ces officines ne semblent plus correspondre aux tendances de l’exercice officinal. Ou en tout cas à son modèle économique. C’est à cette typologie d’officines, tout au moins à celles implantées en milieu rural, que s’adresse le dispositif inédit prévu à l’avenant conventionnel signé le 10 juin par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’assurance-maladie. Celle-ci s’engage à débloquer une enveloppe de 20 millions d’euros d’aide à ces pharmacies reconnues comme fragiles, mais essentielles.
Dans les DROM, un réseau jeune et dynamique
L’Outre-mer enregistre 2,4 % d’inscrits supplémentaires en 2023, soit 11 titulaires et 14 adjoints de plus. En dix ans, la section E (départements et collectivités d’Outre-mer) bénéficie d’une hausse de 12,5 % de ses effectifs. Avec une moyenne d’âge de 45,6 ans, soit près d’un an de moins que la moyenne de la profession, les pharmaciens y sont plus jeunes qu’en Métropole. Plus de 75 % d’entre eux sont des officinaux, se répartissant pour 36 % en titulaires, pour 39 % en adjoints. Ces territoires attirent d’ailleurs les adjoints dont le nombre a augmenté de 26,6 % au cours des dix dernières années. « En 2023, 74 % des nouveaux inscrits en section E (Outre-mer) proviennent de la section D (adjoints) », note l’Ordre.
Un exercice qui séduit donc dans un réseau stable de 615 officines, implantées pour près de 44 % d’entre elles à La Réunion, 24 % en Guadeloupe et 19 % en Martinique.
En retour, cependant, 96 pharmaciens titulaires en outre-mer ont regagné la Métropole au cours de l’année 2023 pour retrouver un poste d’adjoint.
M. B.
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