À la rentrée universitaire 2022, toutes les facultés du pays (sauf celles de Nancy et Poitiers) proposeront un DEUST de préparateur/technicien en pharmacie. Depuis le mois de septembre, une dizaine d'universités propose déjà ce diplôme niveau Bac + 2 qui doit prendre la succession du brevet professionnel (BP). Des cours théoriques, un projet tutoré, un mémoire à soutenir à l'oral, de l'anglais, des cours sur la maîtrise des gestes de premier secours… les unités d'enseignement (UE) du DEUST ne sont pas fondamentalement différentes du contenu de la formation du BP.
En revanche, donner la possibilité aux préparateurs d'obtenir un diplôme de ce niveau leur permettra « de ne plus être bloqués comme ils l'étaient jusqu'à présent », souligne le Pr Françoise Brion, qui enseigne à la faculté de pharmacie de Paris. Avec un Bac + 2, les étudiants diplômés pourront par exemple rebasculer vers des études de santé s'ils le souhaitent… Alors qu'en début d'année les enseignants avaient quelques doutes sur le niveau de réussite des étudiants, « les résultats sont très encourageants pour l'instant », note le Pr Brion.
Un diplôme adapté au marché de l'emploi ?
Si l'évolution de la formation des préparateurs était attendue par beaucoup, la volonté d'universitariser la filière suscite également quelques doutes, notamment au sein de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Mettre en place une licence, d'accord, cela peut en plus attirer de nouveaux profils de candidats. Néanmoins, sait-on ce que les futurs diplômés vont réellement pouvoir faire en pharmacie ? » interroge Philippe Denry, vice-président du syndicat. « Les préparateurs ont été autorisés à vacciner contre le Covid, mais uniquement dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire par exemple. Que faire si leur diplôme n'offre pas de débouchés dans le monde du travail et si le préparateur ne peut mettre ses compétences à profit sur le terrain ? On voit bien dans d'autres filières que l'on a beaucoup de gens surdiplômés qui ne trouvent pas d'emploi derrière. Il ne faut pas créer un diplôme pour créer un diplôme. »
Quel coût pour l'officine ?
Pour Philippe Denry, il ne faut pas non plus ignorer la dimension économique. « Je pense que le marché n'est pas prêt à n'avoir que des préparateurs niveau licence. » Le vice-président de la FSPF évalue à 100 millions d'euros par an le coût annuel pour la pharmacie en prenant pour base une augmentation de salaire de 130 euros brut (sans compter les charges) si les quelque 60 000 préparateurs que l'on recense en France passaient du niveau BP au niveau licence. Pour limiter l'impact économique, Philippe Denry se dit contre l'idée que tous les préparateurs puissent, à terme, accéder au niveau licence. « Avoir deux niveaux qui coexistent (DEUST et licence), cela ne pose pas de problème selon moi, au moins le temps que le marché du travail s'adapte. L'université semble contre cette option, c'est normal elle est dans son rôle de formation. Moi, je suis dans mon rôle d'employeur. Si les officines n'ont besoin que de 15 000 préparateurs niveau licence que vont devenir les autres ? », demande Philippe Denry.
En revanche, du côté de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), on se dit « favorable » à un diplôme unique, une licence en l'occurrence. « Cela coûtera peut-être plus cher, en effet, mais c'est un investissement pour l'avenir, estime Daniel Burlet, secrétaire général adjoint du syndicat, en charge des relations sociales. Si le travail était le même qu'il y a 3 ou 4 ans il n'y aurait pas d'intérêt à mettre en place une licence, en effet. Avec les nouvelles missions, la donne a changé. » Ce sera ensuite aux syndicats de négocier une rémunération qui pourra convenir à tout le monde, souligne-t-il.
Il va falloir trancher
Dans les deux mois qui arrivent, le ministère de l'Enseignement supérieur et la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) devront trancher. Mettra-t-on uniquement en place une licence et, si oui, que fera-t-on des étudiants qui ont démarré un DEUST ? Conservera-t-on un DEUST en parallèle de la licence ? Les deux hypothèses sont sur la table et aucune tendance ne se dégage aujourd'hui. Autre dossier en suspens : que va devenir le BP ? S'il n'a pas vocation à perdurer, on ne sait pas encore quand il s'arrêtera officiellement.
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