Pour Philippe Gaertner, c’est une évidence. Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) n’envisage pas d’autre possibilité que d’allonger les études de pharmacie afin de répondre aux grades en vigueur en Europe. « En raison de l’harmonisation des cursus d’enseignement supérieur européens, le cursus universitaire français doit désormais s’organiser autour de trois niveaux de diplômes : la licence en 3 ans, le master en 5 ans et le doctorat en 8 ans. Dans le cadre de ce dispositif, dit LMD, le diplôme de pharmacien d’officine, obtenu actuellement au terme de six années d’études, doit donc évoluer. » Hors de question de passer à cinq années. Pas question non plus de ne rien changer en conservant les six années d’études qui n’équivalent qu’au master.
« Nous militons pour entrer dans le même train que celui des médecins, avec la modification des filières internat. Et nous avons été entendus sur ce point. » Si le gouvernement ne s’est pas exprimé sur la durée des études et le grade visé, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré, lors de la Grande conférence de la santé, que la réforme du 3e cycle concernant les médecins est dès à présent étendue à l’odontologie et la pharmacie. « Nous sommes désormais sur les mêmes modalités que l’internat de médecine générale. On a marqué un essai, il faut maintenant le transformer. La réforme du 3e cycle sera applicable à la rentrée 2017. »
Unicité du diplôme
Reste à définir le contenu de la réforme et à savoir si la demande de la FSPF de créer un DES (diplôme d’études supérieures) de pharmacie générale sera retenue. « Nous appelons de nos vœux un internat en pharmacie générale qui permette bien de positionner notre diplôme au niveau du D (et non du M) de LMD. » La FSPF fait aussi valoir que « la dernière réforme des études de pharmacie date de 1984 », il serait donc utile d’adapter la formation aux besoins des étudiants et aux nouvelles exigences du métier.
Le syndicat a déjà réfléchi, en collaboration avec des représentants de l’enseignement supérieur, au programme des deux années supplémentaires de la formation. Il évoque, par exemple, l’organisation de stages ambulatoires, le renforcement du lien avec l’hôpital, ou l’amélioration de la présence des futurs internes dans le parcours des patients tant à l’hôpital qu’en ville.
Le but est de « renforcer la sécurité de la dispensation de médicaments », développer les « suivis personnalisés » de malades, améliorer l’observance, lutter « contre les effets iatrogènes des médicaments », mettre en place « la conciliation médicamenteuse » entre ville et hôpital et « la prise en charge thérapeutique des patients, comme c’est déjà le cas en Suisse, en Grande-Bretagne ou au Canada ». Philippe Gaertner veut ainsi armer les futurs pharmaciens pour faire face aux déserts médicaux et aux évolutions de leur rôle de professionnel de santé.
« Je tiens à rassurer sur les craintes que j’ai pu entendre concernant l’unicité du diplôme. Celle-ci n’est pas en danger. Je rappelle à ce propos que cette unicité a été rompue il y a deux ans, lorsqu’il a été décidé que les pharmaciens en filière officine n’étaient plus autorisés à faire de la pharmacie hospitalière », précise Philippe Gaertner. Une problématique qui a aussi été entendue puisque la volonté générale est de créer des passerelles entre les différentes formations médicales et paramédicales.
Mobilité et reconnaissance
L’harmonisation des diplômes européens est un principe né en 1998 d’une initiative française, celle du ministre de l’Enseignement et de la Recherche de l’époque, Claude Allègre, lors de la Déclaration de la Sorbonne. Dès l’année suivante, s’est mis en place le « processus de Bologne » lors d’une réunion des ministres de l’Éducation de 29 pays européens, qui tous se sont engagés à réformer leurs systèmes universitaires pour les faire converger.
Différentes étapes au niveau européen ont abouti en France à la mise en place du dispositif dit LMD, qui rend les diplômes entre pays plus comparables. À cela s’ajoute l’instauration des crédits ECTS* (système de crédits transférables) permettant notamment la validation des études à l’étranger. Le but ultime : favoriser la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, et faciliter la reconnaissance des diplômes.
Autrement dit, créer un espace européen de l’enseignement supérieur sans frontière. L’ensemble des filières universitaires générales a basculé dans le nouveau système entre 2003 et 2006, les autres filières se sont progressivement adaptées au système européen en se voyant attribuer soit un grade, soit un certain nombre de crédits.
Ainsi, depuis la rentrée 2015, le diplôme de formation approfondie en sciences pharmaceutiques (DFASP), obtenu à la fin du 2e cycle des études, donc après 5 années, est reconnu comme l’équivalent du master. Reste que le 3e cycle d’études pharmaceutiques pour les filières courtes (officine et industrie), soit la 6e année, ne bénéficie pas d’une reconnaissance supplémentaire actuellement. Pendant ce temps, chez les internes en médecine, c’est le soulagement.
Le secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur, Thierry Mandon, a annoncé lors du congrès annuel de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) que le futur DES de médecine générale, qui prendra effet à la rentrée universitaire de 2017, reste fixé à trois ans. Le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) est déçu et continue à réclamer un DES en 4 ans « pour former correctement les futurs médecins généralistes et les inciter à s’installer dans les territoires ».
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