Qu'ils soient nationaux ou régionaux, les groupements ont largement répondu à l'appel à la grève du 30 mai lancé par les syndicats patronaux. À quelques jours de la mobilisation, plusieurs dirigeants de groupements expliquent les raisons de leur soutien.
Au début peu suivi, l’appel à la grève du 30 mai lancé par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a très vite trouvé de l’ampleur, bénéficiant du soutien de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et même de l’Ordre des pharmaciens. Du côté des groupements aussi, la mobilisation est quasi-générale. Peu importe leur implantation, leur taille ou leurs objectifs, tous ont des raisons de rejoindre le mouvement.
Les avancées demandées par les grévistes sont nombreuses. Parmi les principales figurent la préservation du maillage official, le lancement d’une politique volontariste contre les ruptures de médicaments, une revalorisation des honoraires des nouvelles missions, une meilleure réforme des études de santé et la mise en place de mesures contre la vente de médicaments en grande surface ou via des plateformes de commerce en ligne.
La chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies Federgy ainsi que l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), qui représentent 26 groupements à eux deux, sont en première ligne. « Notre mobilisation est unanime, il n’y a pas eu de débat nécessaire », affirme Laurent Filoche, président de l’UDGPO et du groupement Pharmacorp, qui prévoit une participation de 80 % de ses pharmacies adhérentes à la grève. Sa cible, c’est le projet de libéralisation de la vente en ligne de médicaments, qui autoriserait leur vente via des plateformes commerciales et la possibilité de recourir à des stocks déportés. « Se battre contre l’arrivée du médicament sur des plateformes comme Amazon, c’est notre combat depuis une dizaine d’années, avec des victoires qui font que la France est encore souveraine. Pendant des années, on nous a assuré que c’est l’Europe qui poussait pour ce projet, et maintenant, il se trouve que ce sont nos autorités elles-mêmes qui veulent leur ouvrir la porte ? C’est une trahison, et c’est ce qui a motivé notre mobilisation », explique Laurent Filoche, qui ne décolère pas : « Nous ne nous arrêterons pas à un accord conventionnel. Le combat est bien plus profond, et quelques centaines de millions d’euros d’honoraires ne répareront pas le mal qui sera causé par l’arrivée des grosses plateformes en France. »
Une position partagée par Lucien Bennatan, président fondateur d'Act Pharmacie. Le manque d’avancée sur le droit de substitution concernant les biosimilaires est une des raisons qui a également motivé son groupement à rejoindre le mouvement. Une autre est, à ses yeux, le « manque de considération » des autorités : « Le pharmacien est devenu le Kleenex du système de santé. Lorsqu’on en a besoin, on se met à genoux devant lui, et en reconnaissance de ses efforts, on lui propose des déremboursements, des baisses de marge et une rémunération indigne sur les nouvelles missions, Nous ne pouvons plus être complices de cette politique », analyse-t-il.
Un modèle en péril
Jean-Claude Pothier, dirigeant de la fédération APSAGIR, qui regroupe 10 groupements régionaux, soutient également la grève avec ferveur. « Les pharmaciens doivent prendre conscience de l’importance de se défendre, car s’ils ne le font pas, c’est leur avenir qui sera compromis. Les prochaines générations ne vont pas s’engager dans de longues études pour rejoindre un métier en ruine. » Lui, attend une revalorisation des honoraires des nouvelles missions ainsi qu’un engagement concret du gouvernement sur les ruptures et les pénuries. « Ce problème doit être pris au sérieux dès maintenant, et non pas dans quelques années », revendique-t-il.
Pour Jérôme Escojido, co-fondateur du groupement Mediprix – dont 94 % des adhérents sont favorables à la grève -, l’heure est à la solidarité. « Notre groupement a la chance d’avoir des pharmacies de taille importante, donc nous ne sommes pas les plus impactés par les difficultés. Mais le but de cette grève n’est pas de gagner plus d’argent. Avant tout, il s’agit de préserver un modèle et de soutenir nos confrères en difficulté. » Ce qu’il redoute le plus, c’est la financiarisation de la profession. « L’État manque de stratégie et de vision. S’il continue dans cette voie-là, il ne discutera plus avec des syndicats, mais avec des fonds d’investissement et des structures globalisées, ce qui n’est souhaitable ni pour lui, ni pour nous, ni pour les patients », prédit-il, espérant que la grève servira d’électrochoc, notamment vis-à-vis des nombreuses fermetures de pharmacie et des concentrations de groupements. Un point qui inquiète également Patrick Le Branchu, directeur de la communication chez PharmaVie : « Le maillage territorial est notre force… pour l’instant. Mais dans quelques années, combien de kilomètres faudra-t-il parcourir pour trouver une porte ouverte sur des médicaments et un accompagnement de qualité ? »
Vers un mouvement dans la durée ?
Une grève d’une journée et une manifestation seront-elles suffisantes pour faire reculer le gouvernement et aboutir sur des changements concrets ? Plusieurs dirigeants de groupements en doutent, arguant que l’opinion populaire – dont acquérir le soutien est essentiel dans un tel bras de fer - est encore trop peu informée de l’existence de la grève et même de ses motifs.
« Idéalement, ce mouvement devrait se faire sur plus d’une journée. Le gouvernement ne comprend que le rapport de force. Une piste serait de ne plus répondre à la substitution, ce serait très facile à mettre en place et l’impact serait immédiat », envisage Lucien Bennatan. Une idée qu’approuve Jérôme Escojido : « Des actions sur le long terme pourraient être efficaces, mais seraient très compliquées à mettre en œuvre. Le plus important est qu’elles ne nuisent pas à la santé des Français. » Pour cette raison, David Abenhaïm, dirigeant du groupement Pharmabest, a appelé à maintenir l’accompagnement des malades aux pathologies complexes, « afin que cette journée “porte close” ne porte pas préjudice à la bonne observance de leur traitement ».
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