C'est une affaire grave que la chambre de discipline de Rhône-Alpes a eue à juger le 1er juin à Lyon. Celle de Mme C., titulaire d'officine à Saint-Fons, près de Lyon, mise en examen et placée en détention provisoire fin septembre 2016 pour « escroquerie aggravée » (voir « le Quotidien » du 17 octobre 2016).
La titulaire arrive, encadrée par deux gendarmes. La liste des manquements qui lui sont reprochés est impressionnante. Le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Auvergne Rhône-Alpes lui reproche notamment des contraventions aux dispositions suivantes du Code de la santé publique : délivrance de Subutex au vu d'ordonnances falsifiées ou ne répondant pas à la réglementation, délivrance de médicaments appartenant à la liste I avec mention d'un médecin non-auteur de la prescription, déclaration d'un chiffre d'affaires sous-évalué sur l'année 2016, mauvaise tenue des registres et d'ordonnanciers, absence de tenue des ordonnanciers, sollicitations d'ordonnances de complaisance. Deux inspections diligentées en mai 2016 mettent au jour un grand nombre de dysfonctionnements, et notamment la délivrance de Subutex à des quantités non compatibles avec un usage thérapeutique.
Anomalies jamais vues
L'ARS, compte tenu de la gravité des faits, prend une décision de suspension d'exercer la pharmacie le 20 mai 2016 et saisit le Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens (CROP) de Rhône-Alpes. De son côté, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône envoie un signalement en informant que, suite à l'analyse d'activité de la pharmacie, le comportement de la titulaire nuisait gravement à la déontologie. Le préjudice de la CPAM est évalué à 2,2 millions d'euros. La pharmacienne est notamment accusée d'escroquerie à la Sécurité sociale, faux et usage de faux.
Pendant l'audience, la titulaire nie les faits, comme elle le fait depuis le début, et continue à plaider des erreurs de gestion, des soucis informatiques et des vols dans son officine. Néanmoins, les faits relevés lors des différentes enquêtes sont nombreux et accablants : « J'ai retrouvé une ordonnance de Subutex avec Mme C. elle-même comme patiente. Elle a également délivré 441 boîtes à 5 patients sur 9 ordonnances, dont 5 non sécurisées, avec le Subutex ajouté à la main », détaille le rapporteur. L'ARS a quant à elle constaté des prescriptions importantes de Subutex, de Truvada, et l'utilisation de prescriptions fictives, falsifiées, avec des médecins fantaisistes. « Nos constats portent sur une période très courte, un mois, sur lequel nous avons constaté des anomalies jamais vues », note la représentante de l'ARS.
Facturations sans délivrance
Hughes Videlier, le président du CROP Rhône-Alpes, relève quant à lui des « fausses facturations de produits non délivrées aux patients », qui ont été démontrées. Par exemple, 39 boîtes achetées de Truvada pour 743 facturées, ou encore 76 boîtes de Versatis, un anesthésique local, pour 716 facturées. « Les facturations sans délivrance sont démontrées », note-t-il.
En conclusion, il rappelle le serment de Galien que tous les pharmaciens doivent prêter. « Aujourd'hui nous sommes bien loin de ces engagements, déplore-t-il. L'opprobre, Mme C. la jette sur elle, mais aussi sur l'ensemble de la profession. Pour ces raisons, je vous demande de prendre une sanction ferme et très lourde car, pour moi, président de l'Ordre et garant de l'image et de l'honneur de mes confrères, Mme C. ne devrait plus être en mesure d'exercer notre profession de pharmacien. » Une demande entendue par le président, qui a prononcé une interdiction définitive de l'exercice de la pharmacie. « L'ensemble des faits sont graves et sont de nature à mettre en péril la santé publique », juge-t-il, en soulignant un contexte d'enrichissement personnel, et des manquements à la déontologie en toute connaissance de cause. « Quand Mme C. délivrait 30 boîtes de médicaments et en facturait 80, elle ne pouvait pas ne pas le faire en toute connaissance de cause. » Mme C. peut encore faire appel de cette décision.
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