Ce sont deux arrêts, rendus le 5 novembre, qui vont faire date. En tout cas aux yeux de l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (AUDACE) et de son président, Daniel Roques, défenseur des éleveurs français réclamant – et mettant en pratique – le droit d’acheter les médicaments vétérinaires prescrits pour leurs bêtes dans d’autres États européens. Une défense qu'il assure depuis 2001.
L’enjeu ? Le prix. « L’idée est d’apporter de la concurrence dans ce domaine, alors que les prix appliqués en France sont largement plus élevés que dans les autres pays de l’Union européenne. Notre combat en faveur des importations parallèles n’est pas un combat contre les vétérinaires français, au contraire. Eux-mêmes achètent les médicaments entre 50 et 300 % plus chers que leurs confrères européens. Le problème vient des laboratoires qui surfacturent en France. L’importation parallèle en soi n’est pas un but, c’est simplement un moyen pour activer une vraie concurrence sur ce marché non seulement en faveur de l’éleveur, mais surtout pour que cela bénéficie aux deux ayants droit du médicament vétérinaire : le pharmacien et le vétérinaire. »
Droit européen
Et malgré les réticences, l’idée a fait son chemin. Plusieurs affaires d’importations de médicaments vétérinaires par des éleveurs ont émergé ces dix dernières années, dont deux en particulier viennent de trouver leur conclusion dans un arrêt de la Cour de cassation. Attaqués pour importation illégale ne répondant pas aux exigences françaises (demande d’autorisation, règles d’étiquetage et obligations liées à un établissement pharmaceutique), des éleveurs ont été ballottés pendant plusieurs années par différentes instances judiciaires.
Première affaire : en 2014, les éleveurs sont condamnés en première instance, tout comme l’association AUDACE pour complicité. Ils font appel, mais la cour d’appel de Pau, en janvier 2015, envoie plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne qui répondra, en octobre 2016, qu’une réglementation nationale qui exclut les éleveurs de la possibilité d’importer des médicaments vétérinaires est contraire au droit européen. Après une nouvelle audience fin 2017, la cour d’appel de Pau relaxe les éleveurs et l’association, le 1er mars 2018. Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral et le Direction des douanes et des droits indirects se pourvoient en cassation.
Deuxième affaire : à la suite d’un renvoi après cassation datant de 2014, la cour d’appel de Bordeaux condamne, en décembre 2017, quatre éleveurs (un couple et deux frères) pour importation de médicaments vétérinaires sans autorisation et sans déclaration de marchandises prohibées. Les éleveurs se sont pourvus en cassation. Face à la « connexité » des deux affaires, la Cour de cassation choisir de les joindre lors d’une audience, le 24 septembre dernier, et de les juger dans deux arrêts (n° 2097 et n° 2098) le 5 novembre.
La France fautive
« D’une part, elle confirme l’arrêt de la cour d’appel de Pau dans toutes ses dispositions et rejette tous les pourvois. D’autre part, elle reçoit les quatre pourvois des quatre éleveurs, casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux et dit qu’il n’y a pas lieu à renvoi », jubile Daniel Roques. La Cour de cassation rappelle l’obligation pour tous les États membres de prévoir une procédure d’importation parallèle accessible aux éleveurs pour les médicaments vétérinaires, comme le prévoit le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, procédure inexistante en France puisque seuls des établissements pharmaceutiques vétérinaires peuvent y prétendre. Le texte et ses applications (étiquetage, notice, pharmacovigilance) ne peuvent donc s’appliquer aux éleveurs. La France étant fautive de ne pas proposer une procédure d’importation aux éleveurs, il n’est pas possible d’imputer aux éleveurs une importation sans autorisation. La Cour de cassation a, par ailleurs, salué le travail de la cour d’appel de Pau en soulignant qu’il était bien de son rôle d’écarter l’application d’un texte de droit interne lorsqu’il ne respecte pas les textes européens.
Pour les éleveurs, ces affaires sont définitivement jugées. Mais pour AUDACE, le combat continue. L’association a en effet déposé une plainte devant la Commission européenne contre un décret français de juin 2018 encadrant les importations parallèles de médicaments vétérinaires. Selon Daniel Roques, les contraintes mises en œuvre par ce décret rendent impossible toute importation parallèle, que ce soit pour un éleveur, un vétérinaire ou un pharmacien.
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