LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Le rapport Longuet sur les professions libérales vient d’être remis à Hervé Novelli. Contre toute attente, celui-ci propose l’ouverture du capital des sociétés d’exercice à des non-pharmaciens. La décision de la Cour de justice européenne n’avait-elle pas mis un terme à ce genre d’offensive ?
Me PHILIPPE FRICHOT.-. Nombre d’officinaux croyaient en effet la question réglée depuis les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 19 mai 2009. Il est vrai qu’après cette décision favorable, le concert de satisfaction a été tellement assourdissant qu’il a quelque peu couvert la voix de ceux qui pensaient que remporter une bataille ne signifie pas forcément gagner la guerre. En réalité, la controverse n’a fait que glisser d’un cran ; elle est passée du niveau européen au niveau national, conséquence logique de l’application par la Cour du principe de subsidiarité.
Selon vous, on pouvait donc s’attendre à une nouvelle attaque en faveur de l’ouverture du capital des officines ?
Compte tenu de l’importance des enjeux économiques et de la puissance des opposants au monopole, une contre-offensive était, en effet, à prévoir. Cette contre-offensive est d’autant plus préoccupante qu’elle sert de facto, les intérêts des régimes de Sécurité sociale qui, pour réduire leur déficit abyssal, ne verraient certainement pas d’un mauvais œil l’avènement de pharmacies plus fortes et, donc, plus à même de supporter des baisses de marges. Or, force est de constater que six mois à peine après “la victoire” on a pu observer un premier assaut contre le monopole avec la campagne Leclerc et, aujourd’hui, un second par le rapport Longuet.
Que préconise précisément le rapport en la matière ?
Partant d’un postulat selon lequel, comme toute PME, l’entreprise libérale a besoin de fonds propres pour investir afin d’assurer sa croissance interne, le rapport suggère d’autoriser l’ouverture du capital en la limitant à 49 % pour garantir au professionnel de conserver la majorité. Une restriction des droits de vote de l’investisseur et des comptes courants d’associés extérieurs est également évoquée. Ces dispositions seraient rendues obligatoires par intégration dans la réglementation de chaque profession réglementée.
Pour ce qui est des officinaux, le postulat de départ est critiquable, tant il est vrai que, depuis son origine, la profession n’a jamais eu besoin de recourir aux capitaux extérieurs pour assurer ses fonds propres. Il faut rappeler que l’entrée d’investisseurs extérieurs n’est pas la seule solution aux besoins de financement de l’entreprise mais qu’elle est certainement la pire en ce qui concerne son indépendance et ce, quels que soient les garde-fous que l’on peut y ajouter.
Sur ce point, le rapport contient-il une approche profession par profession
?
Non et c’est tout à fait regrettable, car dans ce domaine les besoins de financement de chaque profession sont spécifiques. Pour ce qui est des officinaux, on déplorera que le rapport soit muet sur la nécessité de prendre enfin les décrets d’application de loi Murcef sur les SPF-PL. Ces textes permettraient à la profession, et, à elle seule, de disposer d’un outil performant dans ce domaine. Il faudra encore patienter sur ce point, le groupe de travail sur les regroupements et les sociétés holdings mis en place par Roselyne Bachelot n’ayant pu tenir sa première réunion que récemment.
La proposition d’ouverture du capital risque-t-elle de devenir réalité ?
En tout cas pas dans l’immédiat, car elle ne fait pas partie de celles retenues par le secrétaire d’état Hervé Novelli. Période électorale oblige. Mais il n’en demeure pas moins que la question est de nouveau sur le tapis et que les officinaux devront demeurer sur leurs gardes dans les mois à venir.
Quelles autres dispositions intéressent de près les officinaux ?
Une redéfinition globale non des professions, mais de « l’activité libérale » qui serait inscrite dans le code civil*. Il préconise également le renforcement de la Commission nationale de concertation des professions libérales, ainsi que la présence des libéraux au sein des institutions, et notamment du Conseil économique, social et environnemental.
Enfin, il suggère d’améliorer la gestion et le fonctionnement des Ordres, tant vis-à-vis du public, que vis-à-vis de leurs membres.
Le document rédigé par Brigitte Longuet insiste également sur l’interprofessionnalité.
C’est une idée forte du rapport qui est mise en avant par le biais de l’exercice en commun, comme le prévoyait déjà l’article 40 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Mais le rapport prévoit en outre l’ouverture du capital à d’autres professionnels réglementés. Dans la même optique, le concept selon lequel la société d’exercice exerce la profession serait abandonné.
Prévoit-il de faire évoluer les règles de communication des libéraux comme le souhaitent certains groupements de pharmaciens ?
Effectivement. Dans le domaine de la communication, le rapport prône la modernisation (comprenez la libéralisation partielle) de la communication individuelle des libéraux et invite les ordres à la réflexion sur ce point. Madame Adenot, présidente du conseil national, annonçait d’ailleurs récemment dans vos colonnes son projet de réforme en matière de communication, comprenant notamment une refonte du site Internet de l’Ordre et des rencontres avec les groupements.
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