En décembre 2014, un pharmacien de Darmstadt avait obtenu gain de cause dans une affaire de délivrance de médicaments cytostatiques destinés à l’un de ses patients. La caisse dont dépendait ce dernier avait exigé qu’il cherche ses médicaments dans une pharmacie spécialement agréée, en raison des conditions particulières de délivrance liées à ces produits.
En accord avec son oncologue, le patient avait toutefois demandé à son pharmacien habituel, lui aussi formé à la cancérologie, de lui délivrer ces médicaments, la pharmacie agréée par la caisse se trouvant à 50 km de chez lui. La caisse, considérant que ce pharmacien avait commis une faute en délivrant ces produits, l’avait « retaxé », c’est-à-dire condamné à payer lui-même les médicaments « indûment délivrés », pour un montant de 70 000 euros. Le tribunal de Darmstadt avait alors condamné la caisse à restituer cette somme au pharmacien, au nom du libre choix absolu du patient.
Malheureusement pour lui, la caisse a fait appel de ce jugement. Et le tribunal social de Kassel, la plus haute juridiction sociale allemande, a validé la décision de la caisse, vu le prix et la spécificité des produits. Le pharmacien se retrouve non seulement condamné à payer ces 70 000 euros, mais risque de devoir rembourser tous les autres médicaments destinés au même patient depuis décembre 2014 : ceci pourrait le mener à la faillite. Suite à cet arrêt, les syndicats de pharmaciens sont extrêmement inquiets : cette atteinte au libre choix du patient, désormais officialisée par le tribunal, ouvre une brèche et menace le principe même du libre choix.
Libre concurrence
Par ailleurs, les pharmaciens sont dans l’attente d’un nouvel arrêt de la Cour de Justice européenne de Luxembourg, concernant un énième procès opposant la justice allemande à la pharmacie virtuelle Doc Morris. Officiellement installé aux Pays-Bas, Doc Morris désespère depuis des années pouvoir vendre par correspondance des médicaments prescrits avec une remise, comme il le fait pour les OTC.
Toutes ses tentatives ont été systématiquement cassées par la justice, puisque les rabais sur les prescriptions sont interdits en Allemagne. La pharmacie virtuelle a donc multiplié les « combines » pour contourner la loi, avec notamment des cartes de fidélité offrant des réductions sur d’autres produits et des « bonus » sur les achats.
Pour Doc Morris, il est vital de pouvoir vendre des prescriptions avec des réductions, car ce secteur, contrairement aux OTC, stagne depuis des années à quelques dixièmes de pour cent du marché. Les patients n’ont en effet aucun intérêt à commander par correspondance s’ils n’ont pas d’avantage financier. Or les cartes de réduction, même sur des médicaments livrés depuis l’étranger, ont une nouvelle fois été jugées illégales par la justice allemande.
Doc Morris a donc saisi la justice européenne, toujours au nom de la libre concurrence et de la liberté de service. Les réquisitoires ont été prononcés il y a quelques jours, et la Cour devrait rendre son arrêt dans quelques semaines. Au vu de ces réquisitoires, les juristes travaillant avec les organisations de pharmaciens se montrent optimistes : l’Allemagne continuant d’affirmer que les prix uniques font partie de sa politique de santé et de la protection de cette dernière, la requête de Doc Morris a selon eux de grandes chances d’être rejetée.
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