La Grande chambre de la CEDH peut exceptionnellement être saisie, lorsqu’une « affaire soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention » ou qu’il y a « un risque de contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour ». C’est dans ce cadre que la chambre en charge de l’affaire Vavricka et autres s’est dessaisie en décembre 2019 au profit de la grande chambre. Celle-ci a rendu un arrêt définitif le 8 avril dernier, concluant que l’obligation vaccinale pédiatrique telle qu’appliquée en République tchèque* ne viole pas la convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire remonte à 2003, lorsque la famille Vavricka est condamnée au paiement d’une amende pour avoir refusé de faire vacciner ses deux enfants. Après avoir épuisé tous les recours nationaux, M. Vavricka s’est tourné vers la CEDH en 2013. Il est rejoint dans cette affaire par cinq autres familles pour des raisons similaires (rejet de tous les vaccins, de certains vaccins ou des dates de vaccination) qui n’ont pas été sanctionnées financièrement mais dont les enfants n’ont pas été acceptés en école maternelle en l’absence de vaccination. Les requérants invoquaient le non-respect de la vie privée (article 8 de la Convention), de la liberté de conscience (article 9) et du droit à l’instruction (article 2 du protocole n° 1). La Cour a déclaré irrecevables « les griefs fondés sur l’article 9 » et estimé « qu’il n’y avait pas lieu d’examiner séparément les requêtes sous l’angle de l’article 2 du Protocole n° 1 ».
Intervention française
Même si, selon la jurisprudence de la Cour, « la vaccination obligatoire, en tant qu’intervention médicale non volontaire, constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée » (arrêt Salvetti, 2002), la CEDH considère que les mesures incriminées « se situent dans un rapport de proportionnalité raisonnable avec les buts légitimes poursuivis par l’État tchèque, à savoir, la protection contre des maladies susceptibles de faire peser un risque grave sur la santé ». Les juges soulignent que la politique de vaccination « protège à la fois ceux qui reçoivent les vaccins en question et ceux qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons médicales et qui sont donc tributaires de l’immunité collective pour se protéger », et reconnaissent à l’État « une ample marge d’appréciation dans ce contexte ». La Cour ajoute qu’en l’espèce, l’amende infligée à un requérant « n’était pas excessive », et que « la non-admission des enfants requérants à l’école maternelle » relevait « d’une mesure préventive plutôt que punitive dont les effets ont été limités dans le temps, le statut vaccinal des enfants n’ayant pas eu d’incidence sur leur admission à l’école élémentaire lorsqu’ils ont atteint l’âge de la scolarité obligatoire ».
Les gouvernements français, allemand, polonais et slovaque ont été autorisés à intervenir dans la procédure écrite, ainsi que plusieurs ONG. Dans un mémoire remis il y a un an, la France a défendu le principe de la vaccination obligatoire et insisté pour que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée soit « appréciée au regard des obligations positives qui pèsent sur les États de protéger la vie et l’intégrité physique des personnes ». Elle y soulignait notamment « l’importance pour les États de pouvoir mettre en place une politique de santé publique efficace, permettant de lutter contre les maladies graves et/ou contagieuses, ce que la pandémie de Covid-19 aurait clairement démontré ».
* contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, les infections à Hæmophilus influenzae de type b, la poliomyélite, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole et – pour les enfants présentant des indications spécifiques – les infections à pneumocoque.
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