EN 2006, Jean Ravasse, sa sœur Marie-Cécile Zaragosi et Sébastien Lamy, titulaires associés de la Pharmacie du Centre à Gassin (Var), achètent un local attenant à leur officine pour l’agrandir. Ils décident de faire appel à un agenceur et choisissent ETC Agencement. Un contrat est signé à hauteur de 580 000 euros et les travaux avancent. Courant 2007, la pharmacie doit encore la somme de 66 826 euros à la société de Pierre Botton. Or, celle-ci enregistre d’importants problèmes financiers et aurait proposé à la pharmacie du Centre de régler directement les factures des différents corps de métier qui sont intervenus, pour un montant quasiment identique, en échange de quoi les deux traites restantes seraient effacées. La pharmacie accepte. « Nous avons un courrier d’ETC Agencement de juillet 2007 qui va dans ce sens, ainsi que les factures et règlements effectués par mes clients auprès des sept fournisseurs », souligne l’avocat des plaignants. Mais, surprise, en avril 2008, la banque CIC somme les officinaux de payer les deux traites dont elle est porteur. Entre-temps, en septembre 2007, ETC Agencement a été placée en liquidation judiciaire. Devant le tribunal de commerce, les pharmaciens parviennent à obtenir un échelonnement du paiement.
« Nous avons eu des échanges de courrier avec la société de Pierre Botton, qui n’ont rien donné, indique l’avocat. Mes clients ont longuement hésité avant de porter plainte pour escroquerie le 29 avril 2009. L’histoire a commencé bien avant que M. Botton se voie confier une mission pour améliorer les conditions carcérales, notre but est d’empêcher que de tels agissements se reproduisent et éventuellement de récupérer leur argent. » « Éventuellement », car les officinaux savent que les dettes fiscales de Pierre Botton sont très élevées et que ses revenus font l’objet d’une saisie automatique, leur laissant peu de chance d’être, eux aussi, dédommagés un jour.
Sur le devant de la scène.
De son côté, l’avocat de Pierre Botton plaide l’innocence de son client : « il n’était absolument pas informé de cet arrangement. C’est son assistant qui a pris cette initiative », affirme t-il dans « le Figaro » (édition du 2 février 2010). Pierre Botton lui-même va plus loin, en indiquant dans une interview à « Nice Matin » parue mercredi dernier : « certains profitent de mon passé judiciaire pour intenter une action contre moi (...) La version de la partie adverse n’a rien à voir avec la réalité des faits. » Et il se demande pourquoi cette affaire arrive sur le devant de la scène au moment où il est chargé par la ministre de la Justice, à titre bénévole, d’un projet pour améliorer l’accueil des détenus. Il s’interroge aussi sur le choix de l’avocat de la pharmacie du Var, Me Alain Jakubowicz, « qui, comme par hasard, était élu au conseil municipal de Lyon en 1989, dans l’équipe de mon ex-beau-père Michel Noir ».
Un procès d’intention hors de propos selon le cabinet d’avocats des plaignants, qui se demande de son côté pourquoi l’audition de Pierre Botton, prévue le 28 janvier dernier, a été annulée. Les titulaires de la pharmacie varoise ont été entendus en juin dans le cadre de l’enquête qui a été confiée à la brigade de répression de la délinquance astucieuse, spécialiste des abus de confiance, escroqueries, abus de faiblesse, faux en écriture, etc.
Projet de transfert.
Une autre officine du Var, la Pharmacie des Arcs, située dans un centre commercial aux Arcs-sur-Argens, signale également un démêlé judiciaire d’un autre ordre avec Pierre Botton. « Notre bailleur décide, en 2007, de transférer son activité dans un nouveau centre commercial qu’il a fait construire à 2 km, dans la même commune. Mon mari et moi avons fait les démarches pour transférer la pharmacie, en passant par la demande de prêt, l’obtention des différentes autorisations et l’appel à un agenceur. Le projet de M. Botton est retenu, nous signons un devis en septembre 2007, ainsi que des traites. Le contrat stipule que ces traites ne peuvent être présentées qu’à l’obtention de notre prêt et des diverses autorisations de transfert », explique Sonia Cappuccio, titulaire associé.
Mais la négociation avec le bailleur capote sur le montant du loyer, trop élevé selon la banque, qui refuse le prêt. « Nous en avons informé M. Botton pour qu’il suspende les traites, comme convenu dans le contrat. Malgré tout, elles sont présentées en décembre, nous faisons opposition. Il nous fait signer de nouvelles traites pour annuler les précédentes… qu’il ne nous rend pas. En février 2008, les négociations avec notre bailleur sont rompues, nous abandonnons le projet de transfert et informons M. Botton par un courrier en recommandé. Sa société essaie néanmoins de présenter des traites à plusieurs reprises, nous faisons opposition à chaque fois », poursuit Sonia Cappuccio.
Présomption d’innocence.
Lorsqu’un huissier se présente à la banque du couple de pharmaciens, la banque ne paie pas. « Quelques jours plus tard, nous faisons l’objet d’une saisie conservatoire qui immobilise toute notre trésorerie. »
La société de Pierre Botton assigne en 2008 la pharmacie des Arcs devant le tribunal de commerce pour un impayé de 351 000 euros. « Nous sommes passés devant le tribunal en avril 2009, M. Botton a dû nous rendre toutes les traites et notre facture a été ramenée à 45 000 euros. Pour des prestations que nous estimons farfelues et que nous refusons de payer. C’est pourquoi nous avons fait appel, nous irons jusqu’au bout », affirme Sonia Cappuccio.
Deux affaires qui n’arrangent pas celles de Pierre Botton, dont la réinsertion est présentée comme un exemple à suivre, au point de lui confier une expérimentation dans la prison de Nanterre, sous l’égide de l’association qu’il a créée - Les prisons du cœur - pour améliorer les conditions des détenus. Une mission que le cabinet de la garde des Sceaux n’a pas remise en cause : « l’association de M. Botton n’est pas visée et nous respectons la présomption d’innocence. »
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