L'affaire a commencé à la suite d'un signalement de la Caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. « Elle s'est aperçue que le chiffre d'affaires de l'officine augmentait de façon exponentielle et elle s'est dit qu'il y avait un souci », explique une source judiciaire. Installée depuis 2012 à Saint-Fons, près de Lyon, la titulaire avait en effet augmenté son chiffre d'affaires de 50 % en un an. Après enquête, de nombreuses irrégularités ont été relevées. La pharmacienne aurait ainsi inventé des demandes de remboursements ou rajouté des prescriptions sur les ordonnances transmises par courrier. « La CPAM s'est rendu compte qu'elle demandait le remboursement, par exemple, de 30 boîtes de médicaments extrêmement chers par mois, des anticancéreux, ou des anti-VIH, alors que ses grossistes ne lui en avaient délivré qu'une boîte ». De plus, l'agence régionale de santé (ARS) a diligenté une enquête pour délivrance de Subutex sans présentation d'ordonnance. « L'enquête a montré que la pharmacienne avait effectué des délivrances sans présentation de prescription pour des produits de substitution aux opiacés comme le Subutex et que, en plus, elle ne tenait pas l'ordonnancier à jour », explique la source judiciaire. Elle a été suspendue pendant 4 mois cet été par l'Ordre des pharmaciens.
Saisie d'1,3 million d'euros
Concernant la fraude, le préjudice est estimé à 2,2 millions d'euros. « Nous avons déjà saisi 1,3 million sur les comptes de la pharmacienne et nous allons probablement saisir des biens immobiliers », ajoute la source judiciaire. Le dossier est en cours d'instruction et la pharmacienne a été placée en détention provisoire. Elle risque 7 ans d'emprisonnement pour escroquerie aggravée et 700 000 euros d'amende.
De son côté, la pharmacienne reconnaît des erreurs de gestion, mais nie l’escroquerie. « Elle ne nie pas qu'il y ait eu des erreurs, mais pas en raison d'une volonté d'escroquer, plutôt par négligence et mauvaise gestion. Elle a été submergée par le succès de la pharmacie et par le nombre de clients et elle ne s'est pas mise aux normes comme il le fallait », indique son avocat, Me Frédéric Lalliard. « Le chiffre de 2,2 millions d'euros est contesté, car il ressort de calculs incompréhensibles qui sont en réalité des extrapolations de l'assurance maladie, qui a considéré que des remboursements trop importants avaient été faits. Cela ne correspond à rien de concret », poursuit-il. Enfin, concernant les délivrances de Subutex, « la pharmacienne a expliqué qu'elle avait subi la loi du terrain et qu'elle avait délivré sur la base d'ordonnances, qui étaient sans doute des faux, mais qu'elle avait été obligée de le faire », déclare Me Lalliard. « Elle vit mal la détention, ajoute-t-il. La pharmacie continue à tourner avec ses pharmaciens adjoints, mais il y a des difficultés avec les fournisseurs, qui ne souhaitent plus trop la fournir en médicaments et les clients ne sont pas toujours au rendez-vous. » Pour lui, le point important est qu'« aucun enrichissement personnel n'a été démontré. Nous espérons qu'elle puisse rapidement sortir de prison », conclut-il.
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