En travaux depuis plusieurs années pour préparer la venue des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), Paris semble être prêt. Mais pour les officinaux parisiens pris dans les zones rouges et bleues dont le périmètre est appelé à fluctuer, une question demeure : quel sera l’impact de ces modifications de la circulation sur leur approvisionnement ?
Une livraison par jour
En effet, contrairement aux véhicules de secours, les camionnettes de livraisons de médicaments ne bénéficieront pas de passe-droit. En conséquence, « Les pharmaciens peuvent s’attendre à une livraison entre 23 heures et 6 heures du matin, sur des axes fermés à la circulation », confie Alexis Berreby, président délégué Seine Saint Denis (93) pour l'Union des Syndicats des Pharmaciens (USPO). Des livraisons qui, sauf cas exceptionnel, seront limitées à une seule tournée par jour. À un peu plus d’un mois de la cérémonie d’ouverture, les livraisons en direct restent encore une inconnue. « Il est plus prudent de ne pas compter dessus. Les répartiteurs sont encore dans l’expectative », explique René Maarek, président UPRP-USPO d'Île-de-France et de Paris.
Il est donc conseillé aux officinaux de prévoir leurs commandes et de s’arranger au préalable avec leurs grossistes (voir interview ci-contre). En plus du déplacement des véhicules de livraison, celui des pharmaciens eux-mêmes risque d’être affecté, avec la fermeture de nombreux axes de circulation (comme les environs de la Seine, dont plusieurs de ses ponts, et certaines zones tels que Trocadéro, Hôtel de Ville, Concorde, Champs-Élysées, Notre-Dame…) mais aussi de certaines stations de métro situées à des points clés, comme Concorde, Tuileries, Porte de Versailles ou Champs-Élysées Clemenceau.
Pour s’assurer que leurs équipes puissent se rendre à l’officine, les titulaires doivent se préparer, via la planification d’horaires arrangés ou décalés pour leurs adjoints et préparateurs dont le domicile est éloigné. Pour les pharmacies n’ayant pas de sas de sécurité, la présence d’un membre de l’équipe à l’officine doit être prévue afin de récupérer et de surveiller la livraison.
Toutefois, les trajets à pied, soit la majorité des déplacements entre les patients et les pharmacies, ne devraient toutefois pas être affectés (voir ci-dessous). Paradoxalement, ce sont les pharmacies, dont les livraisons seront les moins nombreuses, et l’accès pour leurs équipes le plus compliqué, qui devront s’attendre à une fréquentation en hausse, puisque 16 millions de touristes sont attendus rien qu’à Paris.
Quelles conséquences sur l’activité du pharmacien ?
Pour aider les pharmaciens, « nous avons mis en place une formation sur les soins de premier recours, destinée à celles et ceux qui souhaitent se remettre à niveau avant les Jeux olympiques et paralympiques », déclare Maud Mingeau, vice-présidente de l’URPS Pharmaciens Île-de-France. « Il s’agit de formations de 1 à 3 jours, qui permettront d’obtenir une Attestation de formation aux gestes et soins d'urgence de niveau 2 », reprend-elle.
En outre, de nombreux outils seront mis à disposition des pharmaciens (lire ci-dessous), afin de les accompagner dans une période exceptionnelle, face à une clientèle étrangère qui sera très exigeante. « L’été sera chaud, nous nous attendons donc à une forte demande de ventilateurs, de brumisateurs, de pansements et évidemment de produits solaires », prévoit Philippe Viratelle, directeur du développement pour le groupement Ipharm, très implanté à Paris. Dans l’ensemble, les officinaux devraient donc faire face à des besoins similaires à ceux des étés précédents, la barrière de la langue en plus. Pour s’y préparer, de nombreux pharmaciens, à une échelle individuelle ou à celle de leur groupement, prévoient des covering traduits en anglais, avec une communication bilingue renforcée sur certains produits, et la mise en avant de dispositifs médicaux et de médicaments ou compléments alimentaires liés à la pratique sportive.
La question de la continuité des soins se pose également. En plus d’un renforcement de l’offre de soins non programmés (6 centres médicaux ouverts à paris intra-muros avec des horaires élargis), l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France prépare dès la mi-juin une communication grand public « Se soigner cet été », afin de faciliter l’orientation des patients. Sur ce sujet, l’ARS compte bien faire participer les pharmaciens. Ces derniers recevront une boîte à outils de communication, « se soigner pendant les JOP », avec les liens essentiels sur l’organisation des Jeux, les bons réflexes en cas d’urgence médicale et les contacts avec les CPTS.
Épidémies et inquiétudes
Une inquiétude assombrit ce qui devrait être un événement festif : les épidémies. En effet, l’arrivée de touristes du monde entier en France favorise le brassage des populations, et constitue donc le terreau idéal pour la recrudescence de certaines maladies.
Plus que la propagation des IST (VIH, syphilis…), ce sont les virus à arboviroses, et particulièrement la dengue, qui sont dans le viseur des autorités de santé. Lors de la réunion d’information aux acteurs de santé relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques du 17 mai, l’ARS d’Île-de-France jugeait la situation hors métropole « préoccupante », avec une persistance de l’épidémie de dengue aux Antilles et en Guyane, et 1 361 cas importés entre le 1er janvier et le 14 avril 2024, contre 122 l’année dernière à la même période. Son principal vecteur, le moustique-tigre, a d’ailleurs été repéré dans 14 arrondissements de Paris.
Les officinaux seront-ils intégrés à un éventuel dispositif de prise en charge ? Lors de cette même réunion, René Maarek avait justement proposé que les pharmaciens puissent, au moins pendant la durée des jeux, effectuer des TROD dengue, à l’instar de leurs confrères aux Antilles. Rien n’a toutefois été encore arrêté. En attendant, les autorités appellent les professionnels de santé à la vigilance, afin que la fête ne soit pas gâchée…
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