« La pharmacie est devenue un nouveau métier de services grâce à la loi HPST (1) de 2009, suivie d’une réforme de la rémunération. Il s’agit donc d’un métier encore adolescent », a souligné Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « À l’occasion de la pandémie de Covid-19, qui a augmenté la visibilité de la profession, les pouvoirs publics nous ont confié un certain nombre de nouvelles missions, essentiellement de prévention. À court terme, j’envisage, notamment, une amélioration du dispositif du pharmacien correspondant, la dispensation à domicile ainsi que le développement de la téléconsultation et de nouveaux entretiens courts, comme l’addiction aux antidouleurs, comme le tramadol et les opioïdes », poursuit-il.
Les enseignements de la Suisse
La Suisse connaît depuis plusieurs décennies un élargissement du rôle du pharmacien. Bien, que le système de santé suisse soit sensiblement différent du nôtre, certains utiles enseignements peuvent en être tirés. C’est ainsi, a détaillé Martine Ruggli, présidente de PharmaSuisse (2), que les pharmacies suisses deviennent de plus en plus le premier point de contact en cas de problèmes de santé avec des démarches décisionnelles précises. Outre les vaccinations, qui sont une compétence cantonale, les officinaux sont autorisés depuis 2016 à délivrer des médicaments soumis à ordonnance sous leur propre responsabilité dans des cas exceptionnels justifiés. De nouvelles prestations ont vu le jour dans l’accompagnement de patients chroniques (suivi de l’efficacité, des complications, des effets indésirables…) dans le cadre d’une collaboration interprofessionnelle incluant de nombreux entretiens structurés. Sans épuiser le sujet, citons encore de nouveaux services en cours de développement qui concernent l’optimisation thérapeutique.
Des extensions pléthoriques
Guillaume Racle, membre du bureau de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), a évoqué certains résultats d’une étude menée dans divers territoires parmi les plus avancés en matière de services pharmaceutiques (Australie, Colombie britannique, Écosse, Irlande du Nord, Nouvelle-Zélande, Pays de Galles, Québec et Suisse), notamment ceux qui seraient susceptibles d’être « importés » en France.
Cinq grandes catégories ont été analysées : prévention/promotion de la santé, initiation/optimisation d’un traitement dans le but d’atteindre des objectifs thérapeutiques, renouvellement et réévaluation d’un traitement, assurer un approvisionnement continu et sûr en produits de santé, assurer une gestion optimale des produits de santé et participer à des actions de soins coordonnés.
Parmi les 125 services répertoriés, certains sont déjà appliqués dans l’Hexagone, dans le droit commun ou sous forme d’expérimentation, d’autres sont en discussion : l’administration de vaccins du voyageur, l’initiation d’un traitement anti-VIH post-exposition, la prescription d’une contraception orale pour une durée de 3 mois, de nombreux tests de dépistage et d’orientation diagnostiques, un droit de prescription de médicaments de prescription médicale facultative assorti d’un remboursement, l’initiation de médicaments à prescription médicale obligatoire (conjonctivite bactérienne, douleur dentaire, impétigo, certains antiviraux…), de nombreuses interventions pharmaceutiques, les soins pharmaceutiques à domicile et des missions d’expertise réalisées à la demande du médecin. Autant de sources d’inspiration pour les pouvoirs publics soucieux de pallier les carences de la couverture médicale, notamment dans les territoires fragiles. Reste cependant à évaluer la capacité du réseau officinal à absorber ces nouveaux services.
(1) Hôpital, Patients, Santé, Territoires
(2) PharmaSuisse rempli à la fois le rôle d’un Ordre et d’un syndicat
Les paradoxes des politiques
« Les attentes actuelles des politiques se concentrent sur la nécessité de maintenir un nombre suffisant d’officines sur le territoire français pour que le réseau puisse répondre à toutes les missions confiées à la profession », a souligné Corinne Imbert, pharmacienne, sénatrice de la Charente-Maritime*. « C’est aujourd’hui la principale attente dans un contexte de désertification médicale. Mais, pour autant, il faut avoir conscience que certains parlementaires ont d’autres visions, poussant à la vente de médicaments en grandes surfaces et sur Internet ainsi qu’à la financiarisation de notre système de santé. Face à cela, il faut œuvrer à garantir, l’accès aux soins, la sécurité des patients, la qualité de l’écoute, du conseil et de l’acte pharmaceutique. Cela passe notamment par un travail sur le terrain en lien avec les autres acteurs de santé. »
*Corinne Imbert est Secrétaire de la Commission des Affaires sociales du Sénat et co-rapporteure de la Mission sénatoriale d’information sur la financiarisation de notre système de santé.
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