« Pour exercer comme titulaire il faut de la compétence mais aussi une grande disponibilité parce que les besoins de la patientèle sont divers et souvent mal exprimés. Il faut donc beaucoup d’écoute pour pouvoir rendre le service attendu (…) Et il faut apprendre à gérer l’imprévisible ».
Tel est le message que Guy Martineau, 93 ans, titulaire d’une officine à Saint-Aignan-sur-Cher depuis 1958, a envie de faire passer aux jeunes officinaux juste avant de transmettre le flambeau en ce début du mois de mai. Longtemps installé dans le centre-ville de cette commune de moins de 3 000 habitants du Loir-et-Cher, il avait osé transférer au bout de 55 ans à la sortie du bourg. Et ce, à la place d’un garage automobile situé le long de la route qui mène au célèbre Zoo Parc de Beauval « qui reçoit deux millions de visiteurs chaque année », précise le titulaire à la mémoire réputée. Aujourd’hui, son officine de 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 78 % en TVA à 2,1 %), emploie 7 salariés. Deux d’entre eux, recrutés tout jeunes partiront à la retraite en même temps que leur titulaire. Sur 400m², l’officine est déjà orientée vers le futur avec trois salles de confidentialité, dont une réservée à la téléconsultation.
Il est positif que nous soyons beaucoup plus impliqués dans la santé quotidienne des gens »
Médecine après pharmacie
L’affaire est en forme, Guy Martineau « jamais fatigué » aussi. Mais le doyen des pharmaciens en activité se dit inquiet pour le système de santé. « Je déplore le manque chronique de médicaments. Cela me rend un peu pessimiste pour le proche avenir car j’ai l’impression que cette situation va perdurer encore quelques années », regrette l’officinal. Il voit aussi les bons côtés de l’actualité. À commencer par le virage de la profession comme lieu de soins de premiers recours. « C’est un progrès. Il est positif que nous soyons beaucoup plus impliqués dans la santé quotidienne des gens. » Il faut dire que se soigner dans son département devient particulièrement compliqué. « La désertification médicale en Loir-et-Cher est une réalité inquiétante. J’avais fait des études de médecine à la suite de celles de pharmacie, cela m’est bien utile. Le samedi après-midi, il est impossible de trouver un médecin dans le pays et je fais en quelque sorte des conseils de médecin à la clientèle », explique celui qui a été élu de sa bourgade pendant 30 ans. « Je suis le maire honoraire et une rue porte mon nom », ajoute-t-il non sans fierté.
Distributeur d’étoiles
Le titulaire qui, tout au long de sa carrière, a formé de nombreux employés aux CAP et BP, a foi dans la jeune génération. « La relève s’annonce prometteuse. Mon successeur est un garçon remarquable (N.D.L.R. pas encore trentenaire, diplômé en 2023) et sa vision de la pharmacie ne s’éloignera pas tellement de celle que j’ai. Il y avait plusieurs candidats à la reprise, lui m’a paru très ouvert, parfaitement au fait de la situation – son papa est pharmacien dans le Loir-et-Cher et son épouse est également diplômée pharmacien. Sa thèse, sur la prégabaline (N.D.L.R. et plus précisément sur la prévention de son abus grâce à l’entretien pharmaceutique), m’a également convaincu », explique-t-il.
Une fois les clés remises à son acheteur, Guy Martineau entend cultiver son « autre passion » et « s’occuper du Guide Michelin, pour lequel je fréquente, depuis 1960, les restaurants de France et d’Europe afin de juger de l’accueil, du cadre, de la cuisine, de l’agrément, des vins, du café, du service, du confort, de la tenue et de la tranquillité », égrène le pharmacien qui a encore testé « 171 établissements en 2023 ». Quand nous l’interrogeons à la mi-février, il revient tout juste de La Table d’Olivier Nasti à Kaysersberg, aujourd’hui couronné de deux étoiles et pour lequel le fin gourmet compte proposer une troisième. Ensuite, son agenda prévoit déjà en mars un déjeuner à la Tour d’Argent et un passage à l’Élysée à l’occasion d’une distinction du chef Georges Blanc. Assurément, la nouvelle vie de Guy Martineau ne manquera pas de saveurs !
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