« C’est finalement le seul musée d’histoire de la pharmacie de ce genre en France, avec un parcours chronologique et didactique » constate, pas peu fier, Éric Fouassier, professeur de droit et d’économie pharmaceutiques, qui nous fait visiter le tout nouveau musée de l’Albarelle sis dans l’enceinte de la nouvelle faculté de Pharmacie sur le plateau de Saclay.
Depuis le hall d’accueil de l’université, il suffit de grimper quelques marches jusqu’à la mezzanine surplombante et l’on voit, juste devant la porte d’entrée, une drôle de machine constituée d’une grosse cuve en cuivre. « C’est une machine rotative à dragéification, arrivée dans le domaine de la pharmacie via la confiserie » précise Eric Fouassier. Sur le cartel est indiqué « turbine d’enrobage Frogerais ». Elle servait à enrober les pilules, puis les comprimés, les granulés et les capsules molles. Une pièce impressionnante par sa taille qui trône comme l’emblème du petit écrin muséal de 100 m2 qui suit, inauguré en septembre 2023, et qui compte environ 500 pièces exposées sur les 1 500 que compte le fonds. « Cette collection, enrichie par dons et achats appartient à l’association Albarelle créée en 1992 pour le 20e anniversaire de la fac de Châtenay » poursuit Éric Fouassier. Il est le président de l’association depuis 2015 ainsi que la cheville ouvrière de ce micro-musée flambant neuf qui réussit le tour de force de compter toute l’histoire de la pharmacie avec science et intelligence en quelques vitrines.
Le clou de la collection est cet herbier de 1749 qui n’avait jamais été exposé car il lui fallait une vitrine spécifique pour le conserver dans de bonnes conditions
Éric Fouassier, romancier, professeur de droit et d’économie pharmaceutiques
Double creuset d’apothicaire
Introduit par une grande frise chronologique, le lieu décline ensuite plusieurs thématiques des origines magiques et antiques jusqu’à l’ère industrielle. Ainsi on découvre une reproduction d’une tablette d’argile sumérienne (IIIe millénaire av. J.-C.) gravée d’une ancienne pharmacopée aux côtés de masques et fétiches africains en bois sculptés. Puis, on passe à l’art de guérir pratiqué par les moines et les sœurs du Moyen Âge aux côtés des charlatans et bonimenteurs qui commencent à courir les rues et à vendre de faux remèdes. Les cartels détaillent ici l’apparition de la profession d’apothicaire, séparée de celle de médecin au XIIe siècle ainsi que l’apparition de remèdes nouveaux à la Renaissance grâce à des figures comme Paracelse, présenté comme le précurseur de la toxicologie. Le parcours est étayé de nombreux objets historiques : pots à onguents en faïence, boîtes en bois peint appelées silènes, un rare double creuset d’apothicaire, une grande vitrine dédiée aux balances, une boule à dorer et argenter les pilules datant du XVIIe siècle, une très rare cuillère à potion en étain ornée d’une scène d’arracheur de dents (inspirée d’un célèbre tableau sur le même thème du peintre hollandais du XVIIe siècle Jan Steen) ou encore une charmante petite boîte à fioles en verre soufflé de la même époque.
« Le clou de la collection est cet herbier de 1749 qui n’avait jamais été exposé car il lui fallait une vitrine spécifique pour le conserver dans de bonnes conditions. C’est chose faite ! » se félicite Éric Fouassier en nous montrant le magnifique « Cayer des plantes » de Joseph Mossy réalisé au Jardin des apothicaires de Paris. Une pièce précieuse tout comme le tableau d’Henri Fontaine qui représente le père de l’artiste, pharmacien à Levallois au tournant du 19e et du XXe siècle. « Cette toile est très représentative du pharmacien français de la fin du XIXe siècle qui était à la pointe de la recherche car à l’époque, en France, il faut imaginer qu’il n’y avait pas encore de grands groupes chimiques. L’industrie pharmaceutique est véritablement née dans les arrière-boutiques et les laboratoires des officines. C’est d’ailleurs une spécificité française » développe notre guide, ajoutant, « c’est pourquoi le paysage pharmaceutique était très familial et très morcelé. Le premier groupe français est celui issu du Laboratoire Dausse et qui est devenu Synthélabo en 1970, racheté par l’Oréal, puis Sanofi en 1999 ».
Hub scientifique
Dans la deuxième partie du parcours, le XIXe siècle est mis à l’honneur, avec le véritable œuf de Berthelot, le filtre Chamberland (qui se vendait en pharmacie), inventé par un disciple de Pasteur pour prévenir les maladies par infection d’eaux souillées, une boîte à réactifs permettant au pharmacien, qui ne produit plus lui-même ses matières premières, de faire des essais chimiques, un nébulisateur, des irrigateurs du Dr Eguisier, un autoclave, un pulvérisateur parisien à vapeur ou encore une batterie pour fractionnement par extraction multiple ainsi qu’une des premières machines alternatives à fabriquer des comprimés provenant de la société SCUR. Ce grand tour, logé dans un si petit écrin, fait tourner la tête d’autant plus qu’Eric Fouassier, docteur en droit et en pharmacie, est un conteur hors pair, étant aussi un romancier à succès avec sa saga Le Bureau des affaires occultes*. Gardien de ce musée singulier qui attire les étudiants et les nombreux scientifiques de la région, il se réjouit qu’il soit intégré à cette université qui sent le neuf. Juste en face, l’architecture contemporaine de la nouvelle station de métro Orsay-Gif, sur la future ligne 18, sort de terre pour relier ce hub scientifique du sud parisien à l’aéroport d’Orly à l’est et à Versailles à l’ouest. Nous sommes sur le campus de l’avenir où toute la faculté de Chatenay-Malabry a migré dans cet immense bâtiment en verre dont l’élégance architecturale est signée du réputé Bernard Tschumi (auteur entre autres du Parc de la Villette et du nouveau musée de l’Acropole à Athènes). Le complexe universitaire, dénommé Henri Moissan, abrite, derrière sa longue façade vitrée, les pôles biologie, chimie et pharmacie. Et il est heureux que l’histoire de la pharmacie y soit ainsi mise en valeur.
Infos pratiques : Musée Albarelle, ouvert au public les vendredis matin de 10 h 00 à 12 h 00, et sur rendez-vous au 01 80 00 60 17. Université Paris-Saclay, Faculté de Pharmacie.
*Le volume 4, Le Chant maléfique vient de sortir chez Albin Michel. Voir page 13.
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