Depuis le 10 janvier au matin, Mayotte est à nouveau en pré-alerte cyclonique, moins de quatre semaines après le passage de Chido qui a dévasté l’archipel le 14 décembre. Or sous plusieurs aspects, la situation sanitaire ne s’est pas améliorée depuis cette date. Elle s’est même dégradée en ce qui concerne l’approvisionnement de la population en médicaments et en eau, selon un titulaire de Dzaoudzi, à l’extrémité ouest de Petite Terre.
Au lendemain de la catastrophe qui s’était abattue sur l’archipel, Gérard Eap, titulaire à Dzaoudzi, avait lancé un appel poignant à ses confrères de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dont il est le représentant à Mayotte. Près d’un mois après, le pharmacien reprend la parole pour dresser le tableau de la situation plus que critique dans laquelle se trouvent les 27 pharmacies mahoraises comme l’ensemble de la population.
Eau, électricité, réseau Internet, antibiotiques… Tels sont les manques cruciaux auxquels les pharmaciens doivent faire face depuis le passage du cyclone. « Deux pharmacies sont encore sans électricité, de nombreuses autres fonctionnent avec des groupes électrogènes qui ne tournent que trois heures par jour », énumère le responsable syndical. Sans compter, souligne-t-il, l’absence de réseau Internet pour la moitié des pharmacies. Quant à celles qui en disposent, la connexion n’est pas assez stable pour permettre l’envoi de factures. « Les confrères et consœurs s’abstiennent alors d’effectuer des télétransmissions de peur de perdre le suivi de leur envoi », conclut Gérard Eap qui assure que de nombreux pharmaciens ont ainsi offert beaucoup de traitements à la population faute de pouvoir vérifier les droits. « J’appelle mon grossiste-répartiteur depuis l’aéroport, sur WhatsApp, mais j’ai beaucoup de loupés dans mes réapprovisionnements en raison de ces difficultés. » Heureusement, les antennes de Starlink - de l’entreprise d’Elon Musk - devraient contribuer à rétablir rapidement les communications. « Les équipements sont arrivés ce matin sur le tarmac de l’aéroport », déclare le pharmacien.
Il n’en est pas de même pour l’approvisionnement en eau potable de la population, dénonce-t-il. Et de narrer une situation apocalyptique : les corps en putréfaction contaminent le réseau d’eau et celle qui coule du robinet ressemble à de la boue. Les pastilles de traitement se font aussi rares que les packs d’eau que l’USPO a pourtant achetés à l’intention des salariés des officines mahoraises. « Nous en avons prévu trois par salarié mais ils restent bloqués depuis deux semaines à La Réunion pour des raisons inexpliquées », déplore Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. « Nous avons parmi nos patients beaucoup de réactions cutanées, des problèmes digestifs et des gastros chez les nourrissons. Nous nous attendons à une catastrophe épidémique et redoutons des cas de leptospirose, de salmonellose mais aussi de choléra et de diphtérie », confie Gérard Eap.
On observe aussi des pénuries d’antidiarrhéiques pour les enfants et d’antibiotiques tels qu’Augmentin, Dalacine et la doxycycline. « Nous commençons à voir de nombreuses amputations, les patients sortent le jour même de l’hôpital et n’ont pas d’antibiotiques », dénonce le titulaire qui réclame, comme son syndicat, la levée des contingentements et le déblocage des stocks d’urgence. « Nous avons une trentaine d’ordonnances d’Augmentin par jour et ne pouvons en honorer que trois ou quatre. Je reçois environ huit flacons tous les deux jours alors qu’il en faut deux ou trois pour un traitement… »
Les difficultés des pharmaciens mahorais ne s’arrêtent pas là. Les problèmes financiers commencent à s’accumuler. « Nous avions demandé au directeur général de l’assurance-maladie d’octroyer une avance de trésorerie à hauteur de 80 % jusqu’à la fin de la crise. Nous avons obtenu 50 % pendant une durée de trois mois. Les confrères ont accepté, même si cela reste insuffisant eu égard à l’ampleur du désastre », regrette Gérard Eap, déclarant qu’une consœur a cessé de commander des médicaments car elle ne peut plus régler ses factures. Nombre d’officines doivent également faire face à des rejets, parfois jusqu’à cinq pages entières, y compris en provenance de la caisse de Mayotte pourtant en lien avec la CPAM de la Somme. À entendre le titulaire de Dzaoudzi, les nuages ne sont pas près de se dissiper sur le réseau officinal mahorais. Ceci d’autant plus qu’à l’approche d’un nouvel événement climatique, de nouveaux dégâts matériels sont à redouter : certaines pharmacies n’ont pour toit que des bâches qui menacent de s’écrouler à la moindre rafale.
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