ORGANISÉ en octobre dernier sur le site de Vulcania, par la faculté de pharmacie clermontoise, le colloque sur la prévention et le dépistage en officine a rassemblé 150 participants, Français, Canadiens et Européens. Ouvert sur l’allocution de Marie-Pierre Sauvant-Rochat, professeur de santé publique, il a permis de faire le point sur les pratiques de plusieurs pays invités, mettant en valeur les avantages, les carences et les différences, afin d’envisager des actions susceptibles d’améliorer la santé des populations.
« Le pharmacien d’officine est un acteur de santé publique incontournable, a précisé le Pr Sauvant Rochat dans son discours d’ouverture, intervenant de multiples façons auprès de ses patients. Ce colloque répond à une forte demande d’actions de formation afin que le pharmacien s’inscrive au mieux dans la filière de soins et puisse prendre en charge les personnes venues à sa rencontre. Les questions sont nombreuses : comment travailler efficacement en binôme avec le médecin, comment agir en cas d’urgence vitale, comment et pourquoi développer le sevrage tabagique en officine, comment s’impliquer dans la mise en place de défibrillateurs, comment améliorer la sécurité des traitements, etc. À travers les expériences rapportées par nos confrères étrangers, en matière de prévention et de dépistage, nous allons réfléchir collectivement sur l’évolution du rôle du pharmacien auvergnat. »
Ce qui se fait ailleurs.
S’il fallait faire un classement en matière de prévention, le Canada arriverait certainement gagnant, suivi par les Pays-Bas, puis l’Espagne, la France apparaissant comme la plus mal lotie. « Quand on fait l’analyse des dépenses de santé chez nous, la prévention ne représente que 5 à 6 % de la CMT (consommation médicale totale), relève Marie-Pierre Sauvant Rochat. Le budget prévention des Hollandais grimpe à 15 %, tandis que, au Canada, sont mises en place de véritables consultations de prévention primaire à l’officine. »
Ce comparatif, s’il souligne les carences françaises en matière de prévention, donne des pistes de réflexion qui devraient être suivies avec bénéfice par les autorités locales. C’est du moins ce que souhaite l’organisatrice du débat : « La prévention s’applique à toutes les pathologies, rappelle le Pr Sauvant Rochat. Nous vivons actuellement une réorganisation des politiques de santé publique et du fonctionnement des institutions de santé, avec la création des Agences régionales de santé (ARS) et leur mise en place l’an prochain. Dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé, territoires, article 38, les missions du pharmacien sont précisées, détaillant clairement ses actions de prévention, de garde, d’accompagnement des patients, et de coopération renforcée avec les autres professionnels de santé. »
D’après la responsable du laboratoire de santé publique, il faut donc rechercher de nouveaux comportements pour les professionnels comme pour les patients. Donner aux individus les moyens d’augmenter leur capital santé, en agissant sur leur mode de vie, les éduquer, bref, réduire par la prévention et le dépistage le nombre et la gravité des maladies ou des accidents. Professionnel de santé à part entière, le pharmacien d’officine devient ainsi un acteur essentiel en matière de santé publique, par sa compétence, son rôle social et ses relations avec les thérapeutes.
Le fameux article 38 de la loi HPST doit être considéré comme une opportunité pour les pharmaciens, puisqu’il leur permet de développer des services autour de la dispensation du médicament, et de participer à la création d’une véritable culture de la prévention. Il faudra cependant réfléchir, pour qu’elle soit pérenne et efficace, aux réalités du terrain : d’après un baromètre dressé par l’INPES en 2003, les freins à des démarches préventives par les pharmaciens et les médecins sont en priorité la résistance des patients, le manque de temps et le manque de formation. Il faudra donc changer les comportements des uns et des autres.
L’Auvergne, fer le lance.
Les débats du colloque ont révélé la forte implication des officines auvergnates dans les domaines de la prévention et du dépistage. Une présentation des actions menées dans les pharmacies de la région a montré l’accent mis notamment sur l’iatrogénie, la mise en place de défibrillateurs, le sevrage tabagique et surtout le partenariat entre pharmacien et médecin dans ces domaines. La faculté clermontoise et le laboratoire de santé publique développent d’ailleurs à cet effet de nombreuses formations réunissant les deux professions, l’objectif étant de renforcer les liens entre elles. Une entreprise novatrice, puisqu’elle est la seule en France à s’y intéresser, comme l’a rappelé Jean-François Collin, de l’Université de Nancy, représentant la société française de service public (SFSP).
Au pays des volcans, un véritable réseau informel régional a été créé entre différents acteurs de l’université afin de sensibiliser les professionnels qui s’engagent sur leur propre terrain dans des démarches positives. Ainsi, Marie-Laurence Deschler, installée à Chamalières, dans la banlieue chic de la capitale des Arvernes, qui, dans son officine de taille moyenne, pratique notamment le dépistage du diabète à destination d’une clientèle citadine de quartier. « Ces pratiques sont pour notre personnel monnaie courante, confie-t-elle. Nous essayons d’informer, de détecter, de conseiller, à différents niveaux, hygiène de vie, prise de médicaments, en mettant l’accent sur les bonnes façons d’agir sur sa santé. Nous travaillons en partenariat avec les médecins, sans pour autant être directifs avec nos clients, mais en les sensibilisant quotidiennement. Nous l’avons vu lors de la mise en place d’un défibrillateur qui a soulevé de multiples questions. »
Même constat pour Bertrand Baudin, qui exerce en milieu rural, à Neuilly le Réal (2 300 habitants), dans le Puy de Dôme, et qui se félicite d’avoir participé au colloque clermontois. Il estime que ce dernier lui permettra à l’avenir de conforter et d’encadrer ses actions préventives : « Tout au long de la semaine, nous découvrons au sein de conversations multiples des cas différents, détaille t-il. Nous faisons de l’information non formalisée au quotidien, et ce que l’on nous a présenté lors de ce colloque nous aidera à traiter ces cas plus efficacement. Il y a énormément de choses à faire, malgré des freins importants, venus des patients méfiants, mais aussi du manque de moyens mis à notre disposition. Et je déplore pour ma part, que, sur ma commune, les relations entre professionnels de la filière de santé soient inexistantes… »
Malgré leur bonne volonté et leurs initiatives, la grande majorité des pharmaciens d’Auvergne attendent qu’on leur donne effectivement les possibilités d’agir, en formalisant les relations avec les institutions, les caisses, et les autres professionnels de la filière.
« Nous souhaiterions rassembler des témoignages, des expériences, des réflexions collectives, afin de faire remonter des propositions concrètes au niveau national, ambitionne Marie-Pierre Sauvant Rochat. Réaliser une sorte de guide des pratiques, qui pourrait s’appliquer dans toutes les pharmacies, avec l’implication des instances professionnelles comme la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSFP), qui était présente à ce colloque. Modestement, nous espérons avoir fait avancer les choses dans la bonne direction. Mais du chemin reste encore à parcourir, pour les pharmaciens comme pour leurs patients. »
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