L’épidémie de Covid-19 aura quelque peu retardé la mise en place des entretiens pharmaceutiques sur les anticancéreux oraux, initialement prévue pour le début de l’année 2020. Toutefois, les modalités sont prêtes depuis fin 2019, et l’assurance-maladie devrait signer avec les syndicats de pharmaciens un avenant conventionnel à ce sujet, lors de la prochaine commission nationale paritaire, qui se tiendra à la mi-juin. Cet avenant lancera enfin les entretiens pharmaceutiques pour accompagner les patients sous chimiothérapie orale ! De plus, ces entretiens pourront être réalisés par vidéotransmission, étant donné que télésoin a été autorisé via un arrêté du 18 mai, pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Ainsi, après un premier entretien en face-à-face avec le patient sous anticancéreux oraux, les pharmaciens pourront mener les entretiens par vidéotransmission, et pourront en facturer les honoraires à l'assurance-maladie, comme c'est aujourd'hui le cas pour les entretiens asthme, AVK et bilan partagé de médication.
1- Objectif : écouter et trouver des solutions
Avec les chimiothérapies orales, l’objectif des entretiens est d’accompagner les patients traités à domicile et de répondre aux problèmes qu’ils rencontrent avec leur traitement. « Il s’agit d’une part de vérifier la bonne utilisation du médicament (sachant que les posologies de certains traitements par anticancéreux oraux sont très complexes) et d’autre part, de détecter les effets indésirables, puis d’essayer de les limiter en concertation avec le patient et si nécessaire le médecin », estime Jean-Michel Mrozovski, président du Comité pour la valorisation de l’acte officinal (CVAO). Mais attention, avertit-il, « cet entretien doit chercher, dans l’écoute, à répondre aux interrogations et difficultés quotidiennes du patient. Si le pharmacien ne fait que recueillir des éléments de vérification, en remplissant un questionnaire, on passera à côté de l’objectif voulu ». Et les entretiens cancer seront mis en échec.
2- Une cible bien définie
Contrairement aux entretiens asthme, le pharmacien ne devrait pas être dérouté par les patients à inclure. « Tous les patients qui suivent une chimiothérapie orale pourront bénéficier de ces entretiens pharmaceutiques. Soit environ 500 000 patients, estime Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Ce qui n’est pas énorme en volume, si l’on rapporte à chaque officine, mais ce sont des patients qui requièrent attention et accompagnement. » En pratique, « les entretiens seront surtout à proposer aux patients qui, au comptoir, se disent perdus face à un traitement d'anticancéreux oral dont ils découvrent la complexité et la difficulté de la prise à domicile », avance Jean-Michel Mrozovski.
3- Cinq entretiens sur 2 ans
Au niveau du déroulé, 5 entretiens pharmaceutiques sont prévus. Avec 3 entretiens la première année : un entretien initial, un entretien sur la thématique « vie quotidienne » et un entretien sur la thématique « observance ». La deuxième année, deux entretiens sont prévus ; un entretien « vie quotidienne » et un entretien « observance ». Lors de ces rendez-vous, le pharmacien pourra revenir sur certains thèmes à approfondir et abandonner ceux qui ne posent pas de problème au patient.
Le pharmacien s’appuiera sur des fiches qui lui serviront de guide. Il disposera également des fiches de l’Institut national du cancer (InCa) sur les différents types de molécules utilisées en chimiothérapie orale. À ce jour, 16 fiches ont déjà été publiées.
4- Rémunération au fil de l’eau
La rémunération ne devrait pas mettre en échec la tenue de ces entretiens. En effet, il n’y aura pas de rémunération sous forme de ROSP. Le paiement se fera au fil de l’eau, comme il a été décidé à l’issue des dernières discussions entre l’assurance-maladie et les syndicats concernant les entretiens cancer. De plus, ces discussions ont permis « d’harmoniser l’ensemble des modes de rémunération des entretiens pharmaceutiques : depuis le printemps 2020, le paiement des entretiens (AVK, asthme, bilan de médication et chimiothérapie orale) s’effectue tous à l’acte », se félicite la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui « avait, à de multiples reprises, plaidé pour la sortie de ces accompagnements pharmaceutiques du dispositif ROSP, en faveur d'un paiement à l’acte ». En pratique, tout sera plus facile : « lorsque le pharmacien inclut un patient dans un entretien pharmaceutique, il entre un code traceur et quand le patient aura terminé son parcours de soins, le pharmacien facturera et sera payé dans les 6 jours », détaille Gilles Bonnefond. En revanche, on ignore encore précisément le montant des rémunérations des entretiens cancer : « A ce jour, la rémunération n’a pas encore été fixée, les propositions de la CNAM ayant été jugées insuffisantes par les représentants de la profession », précise la FSPF. Les syndicats sont donc dans l’attente de nouvelles propositions du directeur de l’assurance-maladie. A priori, deux niveaux de rémunération ont été définis : une rémunération plus élevée pour les traitements anticancéreux oraux complexes, et une rémunération plus faible pour les traitements plus faciles, plus anciens et mieux maîtrisés.
5- Quelle durée pour les entretiens ?
Les entretiens cancer devraient se dérouler sur 70 minutes la première année : 40 minutes pour le premier entretien, 20 et 10 minutes pour les deux suivants. Une durée de 30 minutes est retenue pour les entretiens de la deuxième année. Ces durées proposées par les pharmaciens doivent être validées par l’assurance-maladie. L’ensemble de ces modalités figurera dans l’avenant que l’on espère pour la mi-juin.
6- Formation facultative
La formation ne sera pas obligatoire, mais vivement conseillée. Différents organismes proposent déjà des formations sur les anticancéreux oraux. Par ailleurs, des formations en e-learning seront mises en place car les molécules et les protocoles thérapeutiques évoluent très rapidement dans cette pathologie. « L’e-learning permettra aux pharmaciens de mettre ses connaissances à jour plus facilement », évoque Gilles Bonnefond.
7- Lien ville-hôpital
Enfin, les entretiens cancer devront se faire dans le cadre d’une collaboration efficiente entre l’hôpital et l’officine. Notamment, avec la mise en place de systèmes de partage de données médicales entre la ville et l’hôpital (logiciels communs, messageries sécurisées) qui permettent de favoriser la coordination du parcours thérapeutique du patient atteint de cancer.
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