RIEN n’est plus motivant que de se lancer dans un nouveau projet. Et aujourd’hui, la profession de pharmacien se prête bien à cet exercice, avec toutes les nouvelles missions qui lui sont confiées. Ainsi, certains adjoints ont osé se lancer dans l’aventure. Comme Noémie Charbonnier et Pauline L’hopital, adjointes dans la même officine en Rhône-Alpes. En accord avec leur titulaire, les deux pharmaciennes ont créé le site Internet de l’officine. Et ce, dès janvier 2013, alors que la vente de médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire venait tout juste d’être autorisée. « La gestion du site aujourd’hui consiste à réaliser des fiches conseil et à prendre en charge les commandes qui sont systématiquement vérifiées (contre-indications, interactions) et accompagnées d’une fiche de conseil pharmaceutique écrite et signée du pharmacien », indique Noémie Charbonnier, heureuse de pouvoir poursuivre son investissement au comptoir sur le Web.
Tests de diagnostic rapide.
Maxime Nowak, pharmacien adjoint en Ile-de-France, a choisi un autre cheval de bataille : les tests de diagnostic rapide de l’angine à streptocoque. « Le fait que le pharmacien soit autorisé à réaliser ces tests est peu connu du public », explique le jeune homme, qui s’est formé à la technique à la faculté de Châtenay-Malabry avant de se lancer dans l’expérience. « Nous avons donc apposé dans l’officine des affiches pour informer les clients », détaille-t-il. Le streptotest, proposé aux clients suspectés d’avoir une angine à streptocoque, sera facturé. « S’il est positif, nous orientons la personne vers le médecin et s’il est négatif, nous lui proposons des médicaments visant à soulager ses symptômes. » Et ces tests sont loin d’être inutiles : « sur huit réalisés, nous n’avons eu qu’un test positif », rapporte Maxime Nowak.
La qualité à l’officine.
Le pharmacien adjoint est également bien placé pour devenir le référent Assurance qualité à l’officine. « Cette démarche n’est pas obligatoire, mais elle devrait être systématiquement mise en place dans toutes les pharmacies, car elle donne une assurance écrite de la qualité, et sera un socle pour défendre le monopole », avance Nathalie Fabre (adjointe en Ile-de-France). Dans le détail, il s’agit de définir un ensemble de procédures : comment accueillir le patient, conseiller, dispenser le médicament, assurer une veille technique et commerciale, gérer les commandes et le stock… tout est codifié. Une fois mise en place, la démarche qualité est évaluée en interne puis en externe. « C’est ainsi que nous avons obtenu une certification ISO en 2012 », se réjouit Aurore Henno-Duribreux (adjointe, Nord-Pas-de-Calais). La démarche peut sembler fastidieuse et rébarbative de prime abord, mais pourtant le client, l’officine et son personnel ont tout à y gagner. « Cela ne peut que renforcer la confiance avec le patient le travail est réalisé avec la même méthodologie, et rigueur, quelle que soit la personne qui fait la dispensation », explique Françoise Amouroux (adjointe en région Aquitaine).
À ce jour pourtant, peu d’officines se sont lancées dans une telle démarche : environ 500 officines se seraient engagées dans une certification ISO QMS (Quality management system). Bien entendu, c’est sans compter les autres voies de qualification qui existent : l’EQO de l’Ordre des pharmaciens, le CQAPO (en Aquitaine), le référentiel qualité de la Société française de pharmacie clinique, etc. On compte également 8 000 pharmaciens qui se sont formés à la qualité via l’UTIP.
Des adjoints engagés autrement.
Mais les nouvelles missions que l’on confie aux pharmaciens ne sont pas les seuls projets qui puissent être développés à l’officine. Certains adjoints se sont lancés dans des programmes dans lesquels le pharmacien n’était pas attendu. Ainsi, Denis Cassaing (adjoint en région Midi-Pyrénées) a mis en place des entretiens pharmaceutiques pour diabétiques, Isabelle Geiler (adjointe en Nord-Pas-de-Calais) mène un programme d’accompagnement à l’allaitement maternel à l’officine, Nathalie Lalegerie (adjointe en Rhône-Alpes) a créé un pôle de santé à Chindrieux (Savoie). Pour exister, tous ces projets, menés de concert avec le titulaire, ont cherché à obtenir le soutien des ARS et un financement public.
Denis Cassaing a créé en 2011 l’association Eduphar, à laquelle adhèrent 52 des 80 pharmacies du Gers. L’objectif de l’association est de réaliser des entretiens d’éducation thérapeutique pour les diabétiques. Cette opération soutenue par l’ARS Midi Pyrénées, remporte un succès franc et massif : la santé du patient est visiblement améliorée. De plus, « cette démarche a renforcé la réputation de sérieux et de qualité de notre officine, une assurance de sa compétence tant auprès des patients que des autres professionnels de santé », explique Denis Cassaing.
Quant à Nathalie Lalegerie (adjointe à Chrindrieux, région Rhône-Alpes), elle a décidé de créer un pôle de santé dans sa ville. « Lorsque le médecin de Chrindrieux a pris sa retraite, nous avons créé un pôle de santé afin d’attirer de jeunes médecins pour le remplacer », se souvient Nathalie Lalegerie. Une mission réussie. Aujourd’hui, le pôle regroupe une vingtaine de professionnels de santé : deux médecins, infirmiers, dentistes, ostéopathe, pharmaciens, kinésithérapeute, etc. « Nous ne sommes pas réunis dans le même lieu physique, mais nous nous sommes engagés dans un projet de santé commun. Nous assurons la continuité des soins du lundi matin au samedi midi, nous élaborons des protocoles de soins communs, etc. Par exemple, nous avons réussi à mettre en place avec les médecins une délégation de tâches qui permet au pharmacien, lorsque le médecin n’est pas disponible, de délivrer une dose de Monuril en cas de cystite chez la femme », explique Françoise Lalegerie.
Autre initiative innovante, celle d’Isabelle Geiler (adjointe, région Nord-Pas-de-Calais) qui s’est lancée dans l’accompagnement à l’allaitement maternel à l’officine. « Je me suis rendu compte que nous ne savions pas répondre aux interrogations et difficultés rencontrées par des femmes qui souhaitaient allaiter. En me rapprochant du réseau périnatal Ombrel (organisation mamans bébés de la région lilloise), nous avons initié des formations sur l’allaitement maternel destinées aux pharmaciens, en leur proposant des outils très pratiques, utilisables dès le lendemain au comptoir : fiches conseil, arbres décisionnels », avance Isabelle Geiler, en se réjouissant du succès de ces formations.
Un financement des ARS.
« Pour les missions qui dépassent le cadre de l’exercice de la pharmacie, comme celles de Denis Cassaing, Isabelle Geiler et Françoise Lalegerie, il est judicieux de monter un projet de santé auprès de l’ARS afin d’obtenir un financement. D’autant plus que les ARS sont friandes de projets d’éducation thérapeutiques innovants », avance Martial Fraysse (président du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France). « N’hésitez pas à vous lancer dans un projet original, ou même de faire du copier-coller d’un projet qui a fait ses preuves dans une autre région », encourage-t-il les adjoints, en leur conseillant de consulter les sites Internet des ARS qui présentent tous les projets en cours. Surtout que les programmes d’éducation thérapeutiques peuvent se décliner dans toutes les pathologies : AVK, asthme, traitement substitutif aux opiacés, Alzheimer, voire, demain, l’explication du fonctionnement des objets connectés… Le champ des possibles est vaste.
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