Pour lutter contre les déserts médicaux, le gouvernement veut miser sur la délégation de tâches, pour libérer du temps médical et favoriser l'accès aux soins. Si l'Ordre des médecins a fait un pas en avant sur cette question, il reste encore beaucoup à faire pour convaincre les médecins libéraux sur le terrain.
Selon une enquête en ligne réalisée par « Le Quotidien du médecin », une majorité de médecins s'oppose, encore aujourd'hui, à l'idée de voir certains actes confiés à d'autres professionnels de santé. À la question « Êtes-vous prêt à déléguer certains actes médicaux à d’autres professionnels de santé ? », 64 % des internautes ont répondu par la négative (soit 216 sur 333 réponses) . Ils ne sont que 25 % à juger positivement cette évolution des pratiques (7 % des répondants, eux, ne se prononcent pas).
Parmi les raisons invoquées par les médecins qui s'opposent à l'idée de voir d'autres professionnels, et notamment les pharmaciens, assumer certains actes, la peur de voir la médecine générale être dévalorisée. « On sait où ça commence, on ne saura pas où ça se termine, redoute un praticien. Pour des raisons économiques la porte sera ouverte à toutes les compromissions ! À vous dégoûter de plus en plus de faire de la médecine générale. » Un avis que rejoint l'un de ses confrères. « Le risque est de dépouiller un peu plus la médecine générale qui s'est déjà départie de pas mal de pans de son activité originelle : suivi de grossesse, vaccinations, soins non programmés, urgences… Va-t-on la réduire à un squelette et une mort programmée ? », s'inquiète ce libéral. Souvent, du ressentiment envers les officinaux, qui ne cessent de voir leurs missions s'étoffer année après année, se fait sentir. « Je vais me mettre à vendre du Doliprane dans mon cabinet… Moins cher que nos pharmaciens bien sûr… Qu'en diraient-ils ? », ironise un prescripteur.
L'espoir d'un changement de mentalité du côté des cabinets médicaux était pourtant réel après les déclarations du nouveau président du Conseil national de l'Ordre des médecins, le Dr François Arnault. Fin septembre, ce dernier se dit clairement favorable à un recours plus important à la délégation de tâches. « C'est une évolution importante de la position ordinale », admettait-il. Une position confirmée ensuite lorsque le Comité de liaison inter Ordres (CLIO), qui réunit sept ordres professionnels de santé, a fait part de ses propositions pour améliorer l'accès à la santé des Français. Première solution proposée par le CLIO : « Améliorer l’accès au médecin traitant en développant le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé. » Impliqué dans les travaux du CLIO, le Dr Arnault ne va pas tarder à subir les foudres de plusieurs syndicats de médecins libéraux qui l'accusent de vendre la médecine générale « à la découpe ».
Toutefois, des médecins qui se sont exprimés sur la question posée par « Le Quotidien du médecin » affirment eux aussi que la délégation de tâches doit être envisagée : « Oui, on râle parce qu'on a trop de boulot : il faut déléguer ! Je ne fais plus aucune vaccination depuis 5 ans et je ne me porte que mieux. J'envoie chez le pharmacien, le pédiatre, le gynéco. Voilà, il y aura du travail pour tout le monde. (...) Ce n'est pas une prise de tension ou des vaccins qui vont me valoriser », estime une praticienne. Sur la question de la délégation de tâches, le temps des débats est encore loin d'être terminé.
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