Saisie par la Direction générale de la santé (DGS), la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis sans équivoque le 20 mai dernier. La campagne de vaccination antigrippale doit être maintenue dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 en France. Car, rappelle-t-elle, la grippe est responsable chaque année d’un afflux important aux urgences, d’un grand nombre d’hospitalisations et de « 8 000 à 14 500 décès », en particulier des personnes vulnérables, les mêmes à être touchées par le Covid-19. Or une couverture vaccinale élevée permettrait d'éviter la surcharge du système de soins « dans une période de grande tension du système de santé et en cas de circulation concomitante du virus SARS-CoV-2 et de virus grippaux ».
Même si, à ce jour, rien ne permet de savoir si les deux virus peuvent circuler en même temps, il conviendra d'éviter une éventuelle co-infection. Dans ce contexte, la HAS n’envisage pourtant pas l’élargissement de la population cible, elle insiste plutôt sur l’importance d’augmenter largement la couverture vaccinale des personnes âgées et/ou fragiles. Aussi, l’instance « recommande que les sujets identifiés comme contacts possibles d’un cas de Covid-19, et éligibles à la vaccination contre la grippe, voient leur vaccination reportée à l’issue de la période d’isolement strict de 14 jours recommandée ».
Scénario catastrophe
Quelques jours avant l'avis de la HAS, l'Académie nationale de médecine avait pris position pour souligner d’emblée que « la gravité avérée de la Covid-19 ne doit pas faire sous-estimer la gravité potentielle de l’épidémie de grippe à venir ». Les académiciens envisagent « le scénario catastrophique dans lequel la conjonction des deux épidémies entraînerait un engorgement des services de réanimation et un nouveau pic de surmortalité, en particulier dans les EHPAD ». Ils estiment même qu’il faut non seulement améliorer la couverture vaccinale de la population cible, mais aussi « élargir cette protection à toute personne présentant des facteurs de risque d’évolution sévère en cas d’infection par un virus grippal ou par le SARS-CoV-2 ». Les recommandations de l'Académie vont encore plus loin, puisqu’elle souhaite associer la vaccination antigrippale et antipneumococcique pour les plus de 65 ans, « en raison de la gravité des infections invasives à pneumocoque sur ce terrain ». Elle préconise également de rendre obligatoire la vaccination antigrippale pour tous les soignants et personnels sociaux en contact avec les personnes vulnérables et oblige les médecins de proposer la vaccination antigrippale à tous leurs patients.
Habituellement lancée à la mi-octobre, la campagne de vaccination antigrippale approche à grands pas et suscite les inquiétudes des professionnels de santé. Alors que le nombre de nouveaux cas de Covid-19 ne cesse d’augmenter ces derniers jours, les médecins généralistes multiplient les appels aux Français pour une vaccination massive, « cette année encore plus que les autres », lance Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Les pharmaciens ne sont pas en reste. Fin août, Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), insistait déjà sur le « risque de télescopage entre les symptômes du Covid et ceux de la grippe ». C’est pourquoi il appelle les confrères à se saisir pleinement de la réalisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) grippe, encore largement sous-utilisés, et de les proposer cet automne à tout patient se présentant avec des symptômes évocateurs de grippe… Ou de Covid-19. « S’il se révèle positif, ce TROD permettra d’exclure toute suspicion de Covid et d'éviter les conséquences sociales et professionnelles qui en résultent. »
Élargir la population cible
Outre cet outil à la disposition du pharmacien, la généralisation de la vaccination antigrippale à l’officine représente un autre moyen de limiter la casse face à l’épidémie de Covid-19. Au-delà, les pharmaciens voudraient élargir la population qu’ils peuvent vacciner contre la grippe à tous les adultes, un voeu réitéré par les deux syndicats d'officinaux le 2 septembre dans les colonnes du quotidien « Les Echos ». Mais qui a bien peu de chance d'être exaucé cette année... En outre, les commandes françaises de vaccins, même portées à 13 millions de doses (2 millions de plus qu'en 2019) seront loin de couvrir les besoins de la population adulte française.
Sur 11 millions de vaccinations l’an dernier, les pharmaciens ont vacciné 2,4 millions de Français avec les vaccins de Sanofi Pasteur (Vaxigrip) et de Mylan (Influvac et Influvac Tetra). Le nouveau vaccin sur culture cellulaire Flucelvax Tetra de Seqirus, qui a décroché son autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne fin 2018, pourrait être disponible en France dès cette année. Mais rien ne dit qu’il pourra être administré par les pharmaciens. Pour cela, il faudrait modifier l’arrêté listant les vaccins pouvant être administrés à l’officine. Dommage, car la HAS inclut déjà ce nouveau vaccin dans la stratégie vaccinale et souligne son intérêt pour la vaccination des personnes hypersensibles aux protéines de l’œuf ou à certains antibiotiques.
Vacciner contre le Covid-19 à l'officine ?
De même, un autre vaccin antigrippal dédié aux personnes âgées, Efluelda (qui devrait être commercialisé l'hiver 2021/2022), a été inclus dans la stratégie vaccinale française par la HAS. Mais contrairement aux précédents, ce vaccin haute dose réservé aux plus de 65 ans n’est pas soumis à prescription médicale obligatoire. « Tous les professionnels de santé habilités à vacciner dans le cadre de la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière annuelle pourront réaliser l’acte vaccinal », précise la HAS. Par ailleurs, en cas de tensions d’approvisionnement dues à une demande accrue en vaccins, la HAS a indiqué fin août que la version américaine d’Efluelda, Fluzone HD quadrivalent, « pourrait, sous réserve d’une autorisation d’importation de l’ANSM, être intégrée à la stratégie de vaccination contre la grippe saisonnière pour la saison 2020-2021 pour les personnes âgées de 65 ans et plus et tout particulièrement les plus à risque ».
Au-delà des vaccins disponibles, autorités et professionnels de santé comptent sur une forte prise de conscience des Français, notamment les plus fragiles. Ceux-ci doivent se protéger le mieux possible en se faisant vacciner contre la grippe puisqu'il n'y a pas encore de vaccin contre le Covid-19 disponible, mais aussi en continuant à appliquer les gestes barrières. En attendant que les vaccins contre le SARS-CoV-2 soient disponibles, les pharmaciens se positionnent déjà pour les administrer et ainsi contribuer à une couverture vaccinale suffisante. C'est en tout cas une revendication de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP). « L’organisation de la vaccination doit être réalisée au plus près des personnes concernées. Cela implique les spécialistes de médecine générale, les infirmiers(e)s, les pharmaciens », rappelait le 9 juillet dernier le Comité analyse recherche expertise (CARE) du Conseil scientifique Covid-19 et du Comité Vaccin Covid-19 en date du 9 juillet dernier.
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques
Logigramme, formation…
Le dépistage de la cystite en pratique