La variole du singe et ses mystères

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Publié le 01/09/2022
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Le Dr Bernard Castan, infectiologue à l’hôpital de Périgueux et président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), fait le point sur l’épidémie de variole du singe.

Le Quotidien du pharmacien. - A-t-on une explication de l’apparition de l’épidémie de variole du singe dans les pays développés ?

Bernard Castan. - Malheureusement non. Sur le plan virologique, on ignore précisément si l’on est en présence d’une souche différente de celle qui évolue en Afrique centrale et occidentale. Et sur le plan épidémiologique, on n’a pas d’explication claire sur les différences entre les formes cliniques en Europe et Afrique quant aux populations concernées (hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes/HSH en Europe versus population générale en Afrique) et de symptomatologies (lésions anales versus lésions cutanées prédominantes).

Quel est le mode de transmission ? Peut-on parler d’infection sexuellement transmissible ?

La maladie peut se transmettre de deux façons. Soit par contact direct cutané avec des lésions d’un malade. Soit par les gouttelettes (salive, éternuements, postillons…) dans le cadre d’une promiscuité importante. On n’est donc pas sur une IST, mais le risque est de fait exacerbé à l’occasion d’une relation sexuelle si l'un des partenaires est symptomatique. Ainsi, il importe de préciser que, contrairement aux IST, le préservatif ne protège pas complètement de la variole du singe.

Quelles sont les complications possibles ?

Elles sont rares, de l’ordre de 3 %, et la mortalité très faible (13 décès dans le monde). Mais en termes de morbidité, on observe des formes très douloureuses notamment en cas de lésion des muqueuses oropharyngée et anale, alors que les lésions cutanées sont le plus souvent indolores. On voit également des surinfections des lésions cutanées à type d'impétigo en particulier. Enfin, très rarement, on rencontre des pneumopathies et encéphalopathies varioliques, des atteintes oculaires ou des myocardites, essentiellement chez les patients immunodéprimés.

De quels traitements dispose-t-on ?

Le traitement est symptomatique, notamment contre la douleur, en sachant que AINS et aspirine sont contre-indiqués, tout comme les corticoïdes et dermocorticoïdes en instauration de traitement. Sur les vésicules, les antiseptiques ne sont pas recommandés, sauf en cas de surinfection. Enfin, on peut appliquer des crèmes grasses (de type vaseline) sur les croûtes pour favoriser leur évolution. Il existe également un traitement curatif pour les personnes à haut risque de formes graves, le técovirimat. Il n’est disponible qu’en milieu hospitalier, sous autorisation spécifique.

Et la vaccination ?

Elle est réalisée soit en post-exposition, idéalement dans les 5 premiers jours après l’exposition et jusqu’à 14 jours après ; soit en prévention pré-exposition, mais uniquement chez les personnes à très haut risque de contamination, comme les HSH ayant des partenaires multiples. Dans les deux cas, le schéma vaccinal est de deux doses, et de trois doses chez l’immunodéprimé. Toutefois, un schéma à une dose est réalisé chez les personnes nées avant 1980, c’est-à-dire celles qui ont été antérieurement vaccinées contre la variole et non immunodéprimées. Mais on a encore des incertitudes sur ce protocole et d’autres questions restent en suspens : quelle est la durabilité de la protection après deux doses ? Faudra-t-il un rappel après une première infection comme dans le cadre du Covid-19 ? Toutes ces questions vont être examinées dans les jours qui viennent par les autorités de santé afin d’actualiser les protocoles de vaccination.

Propos recueillis par Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien