« Vaccination le dimanche : les pharmacies ont-elles joué le jeu ? » : c'est ainsi que la chaîne d'informations en continu « LCI » a décidé de titrer un reportage diffusé le week-end dernier. Le média s'est notamment ému de la situation d'un village du Calvados dont l'unique pharmacie a fait le choix de ne pas ouvrir le dimanche « au grand dam des habitants ». Dans le reportage, le cas de cette officine normande est mis en opposition avec celui d'une pharmacie parisienne qui, elle, a décidé « de jouer le jeu ». Il y aurait donc d'un côté les "gentilles pharmacies" prêtes à venir au secours de la population et puis les autres. C'est en tout cas le sentiment qui habite de nombreux pharmaciens qui ont l'impression que l'on tente de les faire passer « pour des fainéants » comme on a pu le lire sur les réseaux sociaux.
Titulaire à Strasbourg, Guillaume Kreutter a lui aussi l'impression que l'on tente de mettre la pression sur les pharmacies pour qu'ils répondent favorablement à l'appel lancé par le ministre de la Santé. « J'ai vu des reportages à charge et des débats en plateau où les invités, notamment politiques, demandaient en substance ; " comment se fait-il que les pharmaciens ne le font pas ? ". » Depuis deux ans, le pharmacien alsacien n'a pris qu'une semaine de repos. Ces derniers jours, il ne cesse de tester et de vacciner. « Je ne suis pas opposé à l'ouverture le dimanche mais il faudrait que cela soit organisé différemment. On pourrait par exemple mettre en place un roulement sur un même secteur. Cela ne doit pas se faire de manière anarchique comme c'est le cas aujourd'hui. J’ai déjà eu des retours de confrères qui font état d'une désorganisation du système de gardes. Certains pharmaciens ont profité de leur ouverture dominicale pour vendre d'autres produits, y compris des coffrets de Noël », déplore-t-il. Problème avec les doses : « 15 flacons de vaccin Pfizer commandés pour recevoir finalement 10 flacons de Moderna et 5 Pfizer », manque de ressources humaines, fatigue… autant de facteurs qui expliquent pourquoi il est impossible pour certaines officines de maintenir le rideau levé un dimanche. Selon Guillaume Kreutter, pas plus de 5 % des officines de son secteur ont ouvert le 12 décembre.
« Culpabilisation » des pharmaciens
Secrétaire nationale de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et titulaire à Saint-Gaultier, commune de moins de 2 000 habitants dans l'Indre, Jocelyne Wittevrongel, elle, a ouvert sa pharmacie le dimanche 12 décembre. Avec sa fille, elle aussi officinale, elle a vacciné 71 patients, mais si elle s'est mobilisée c'est essentiellement pour une raison. « J'avais des doses de Moderna qui arrivaient bientôt à expiration, donc on a calé des rendez-vous le dimanche pour les écouler. » Début janvier, avec d'autres professionnels de santé de son secteur, elle consacrera un nouveau week-end à vacciner, mais cette fois-ci dans un centre de la commune. « On va vacciner 1 000 personnes en deux jours. À la fin on sera fatigué mais au moins on l'aura fait ensemble. »
Jocelyne Wittevrongel n'a pas connaissance pour le moment d'autres pharmaciens de son département qui s'apprêtent à ouvrir les dimanches de décembre et de janvier. « Cela peut être une bonne solution pour certains, souligne-t-elle néanmoins. En revanche, ce qui aurait dû être évité, c'est le battage médiatique autour de cette autorisation. Il y a une culpabilisation des pharmaciens qui ne veulent pas le faire. Or tout le monde est fatigué et nous avons été prévenus le jeudi pour le dimanche alors qu'il faut 10 jours entre la commande et la livraison des vaccins. » Cet été, la pharmacienne de l'Indre a parfois vacciné jusqu'à 22 heures, sans compter les tests, les masques, les missions du quotidien, tout le reste de l'année. « L'une de mes préparatrices m'a dit : "à force vous allez y laisser votre peau". » Pour éviter d'en arriver là, le dimanche peut aussi servir à se reposer.
Dans les Alpes-Maritimes
Dépistage du VIH : une expérimentation à l’officine
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques