QUATRE CANCERS sur 10 et 35 % des décès par cancer seraient évitables. Ces deux seuls chiffres en disent long sur l’urgence d’une prise de conscience collective sur le poids des facteurs de risque (FDR) liés aux modes de vie et aux comportements dans la survenue des cancers. C’est ce « levier essentiel pour lutter contre les cancers » que veut actionner l’Institut national du cancer (INCa) dans sa dernière campagne d’information et de sensibilisation lancée le 23 juin à visée grand public, notamment à l’aide d’un test en ligne « ludique et personnalisé » intitulé « 3 minutes pour faire le point ».
Environ un tiers des Français sont fatalistes et pensent « qu’on ne peut rien faire pour prévenir les cancers », selon le baromètre cancer 2010. Plus de 1 personne sur 2 pense que « le cancer, c’est héréditaire », quand en réalité la part résultant de facteurs intrinsèques héréditaires est estimée à moins de 10 %. « Dans l’esprit des gens, ce ne sont pas les FDR majeurs liés au comportement qui sortent en premier dans les cancers, souligne le Pr Agnès Buzyn, présidente de l’INCa. Il existe une forme de mise à distance. C’est sans doute plus facile de se dire que l’on subit, plutôt que de s’avouer que l’on prend soi-même des risques pour sa santé, car cela obligerait à changer les comportements ».
Changer la perception du risque.
Ce déclic intime, c’est ce que veut provoquer l’INCa le plus largement possible dans la population. Pour cela, la première étape de la campagne est de rétablir la hiérarchie des FDR et de les mettre en perspective les uns par rapport aux autres. Si les 9 FDR connus listés par l’INCa ne surprendront personne, - tabac, alcool, alimentation, expositions professionnelles, infections (virus HPV et VHB), manque d’exercice physique, surpoids, exposition aux UV, pollution de l’air intérieur et extérieur -, le niveau de perception des risques de cancer n’est souvent pas proportionnel à leur impact réel. Ainsi, la fraction attribuable à la pollution intérieure et extérieure, comprenant tabagisme passif, amiante résidentiel et particules fines/pollution atmosphérique, s’élèverait à peine à 1 % des cancers.
Pour ce travail de hiérarchisation, l’INCa s’est appuyé principalement sur l’étude du Centre de recherche international de recherche sur le cancer (CIRC) de 2007, mais aussi sur deux autres, une étude de l’InVS de 2003 sur la part des cancers liés aux expositions professionnelles en France (entre 4,5 et 8 %) et une étude anglaise de 2011 (9,2 % des cancers attribuables à une alimentation déséquilibrée). Mais comme le souligne le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle Santé publique à l’INCa : « depuis la publication du CIRC, peu d’études ont été réalisées en France et la fraction attribuable de chaque FDR mériterait des actualisations régulières. »
Une veille scientifique toujours nécessaire.
Les lignes ont déjà changé depuis la publication du CIRC, notamment pour la surcharge pondérale en nette augmentation en France, les expositions professionnelles sous-estimées et la pollution atmosphérique avec une tendance à la hausse aux États-Unis (fraction attribuable entre 1 à 5 %). De plus, l’analyse par fraction attribuable n’est pas absolue. C’est raisonner sans prendre en considération l’émergence de nouvelles connaissances : effet cocktail, effets à faibles doses aux périodes critiques du développement, mécanismes épigénétiques et interactions gènes-environnement. Et pour un grand nombre de facteurs environnementaux, « le lien avec le cancer reste aujourd’hui encore mal connu », indique l’INCa.
Malgré ces limites, des constats très clairs se dégagent. À lui seul responsable de 30 % des décès par cancers, soit 47 000 décès chaque année, et avec 17 localisations différentes, le tabac est le premier facteur de risque loin devant tous les autres, et pour longtemps. L’alcool, souvent méconnu, est le 2e FDR évitable, responsable de 9,5 % des décès par cancer, avec un risque augmentant de manière linéaire et sans effet de seuil. La campagne met en perspective le poids écrasant de ces deux FDR majeurs dans deux films diffusés sur le net, la cigarette avec la pollution, l’alcool avec les UV. Toujours à visée du grand public, des brochures nutrition sont mises à disposition et un nouvel espace de référence est créé sur le site de l’INCa pour la prévention des cancers. À la rentrée de septembre, la campagne prévoit de mettre à contribution les réseaux associatifs et les professionnels de santé.
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