TRAIT D’UNION obligé entre le milieu hospitalier et les soins de ville, le pharmacien d’officine peut intervenir dans plusieurs domaines lors de la prise en charge du cancer. « Une très grande majorité de malades bénéficie désormais d’une chimiothérapie orale et, selon les chiffres de l’Institut national du cancer (INCA), dans un proche avenir, pour un jour d’hospitalisation le patient passera trois cents jours à son domicile, contre un pour cent aujourd’hui. Le pharmacien doit relever un véritable défi à la fois scientifique, technique et humain, et il faut créer des équipes pluridisciplinaires », déclare Bernard Charles, président du Centre d’études et de formation hospitalière (CEFH).
En effet, si ces traitements ambulatoires ont la même efficacité que les traitements hospitaliers, ils ont les mêmes effets secondaires (chute de cheveux, troubles digestifs, cutanés…) et le pharmacien, en contact direct avec le malade et/ou ses proches lors de la délivrance, et interlocuteur privilégié sur le long terme, est en première ligne pour gérer le suivi du traitement et apporter un soutien psychologique.
Comme le rappelle Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), c’est la sortie de la réserve hospitalière des nouveaux traitements per os ou intraveineux, dès 2005, qui est le point de départ de la coordination ville/hôpital et qui permet actuellement aux pharmaciens de prendre le relais dans leurs officines. « Mais il devient essentiel de stabiliser ce dispositif et de mieux accompagner la sortie hospitalière, il ne faut pas en rester au stade de l’expérimentation et établir des protocoles pour sécuriser les confrères. » La loi HPST apporte un cadre, mais elle ne s’impose pas aux pharmaciens. « Ils doivent se l’approprier, en comprendre les enjeux et la faire vivre au sein d’un réseau interactif et multidisciplinaire », commente Jean-Marc Roubaud (pharmacien et député UMP du Gard).
Formation, protocolisation et évaluation.
On est dans le cadre du nouveau statut du pharmacien consacré par la loi HPST au sein d’un système de santé que les agences régionales de santé (ARS) doivent faire évoluer et coordonner, et il est indispensable que la profession fasse des propositions. « Ce nouvel aspect de l’exercice officinal et ce rôle d’interface nécessitent une formation spécifique en oncologie, une amélioration de la qualité et de la sécurité de la prise en charge médicamenteuse, une (ré)organisation des équipes et des lieux à l’officine, et une délégation des tâches », insiste Jean-Charles Tellier, président du Conseil central A de l’Ordre des pharmaciens. « Pour faire évoluer la prise en charge du cancer, le pharmacien doit aller au-delà de sa compétence technique et du savoir qui est le cœur de son métier, et englober la dimension humaine en devançant les attentes des patients », ajoute Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Pour mettre en œuvre ses nouvelles compétences, il a besoin de moyens d’action pratiques, d’actes reconnus et « protocolisés », en collaboration avec les autres professionnels de santé, avec comme objectif prioritaire la qualité de vie des malades et des aidants. Pour accomplir cette mission, il doit aussi pouvoir consacrer le temps nécessaire en le dégageant de ses activités habituelles au comptoir.
« Cet accompagnement a une valeur spécifique indépendante, et le découplage de l’acte de délivrance et de l’acte d’accompagnement est essentiel pour aborder le problème de la rémunération », déclarent unanimement les intervenants de la table ronde. Mais comment mesurer l’efficacité de l’acte officinal et le service rendu par la profession ? La réponse à cette question passe sans doute par la protocolisation de cette nouvelle mission que constitue l’accueil du patient cancéreux à l’officine. Passer du cadre de la loi à la mise en œuvre sur le terrain, autrement dit, de la théorie à la pratique, voilà tout l’enjeu des expérimentations régionales destinées à établir des protocoles d’action qui seront prochainement étudiés par les ARS.
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