C’est officiel depuis le 4 juin. Les pharmaciens sont autorisés à pratiquer toutes les activités officinales en télésoin avec leurs patients, sur décision partagée et dès lors que ladite activité n’exige ni contact direct, ni l’utilisation d’un équipement dont ne disposerait pas le patient. Un décret et un arrêté parus vendredi dernier au « Journal officiel » officialisent cette pratique à distance qui a vu le jour il y a un an, lorsque cette mesure d'urgence a été déployée par le gouvernement dans le cadre exclusif des entretiens pharmaceutiques (AVK/AOD et asthme) et des bilans partagés de médication (BPM). Le but : permettre aux patients chroniques et/ou fragiles d’accéder aux soins et de renouer avec leurs professionnels de santé en toute sécurité.
Pour le Dr Yann-Maël Le Douarin, conseiller médical télésanté à la direction générale de l'offre de soins (DGOS), « c'est une grande avancée qui sera positive pour l'accès aux soins des patients » car le télésoin va renforcer la coordination autour du patient tout en favorisant l’innovation dans les pratiques. « Le télésoin va aussi permettre de proposer une prise en charge plus adaptée, plus proche des besoins des patients, notamment ceux qui sont fragiles et qui peuvent être déstabilisés quand on les sort de leur environnement », ajoute-t-il, en évoquant le cas de l’autisme.
Masque versus écran
La Société française de la santé digitale (SFSD) s’est félicitée de la parution de ces textes, rappelant avoir « œuvré depuis plus de 10 ans » à l’entrée du télésoin dans la législation. À ses yeux, c’est aussi une « avancée majeure pour le système de santé et ses bénéficiaires ». Pour sa coprésidente, Lydie Canipel, « nous sortons de l'ère du tout présentiel ; il s'agit de faire en sorte que le digital soit au service d'une santé humaniste » et de « réfléchir à la meilleure façon de prendre en charge un patient car les réponses sont différentes selon les personnes ». Parce que, interroge-t-elle : « Qu'est-ce qui est le plus humain finalement ? Venir masqué, dans une salle d'attente bondée, entouré de gens potentiellement positifs au Covid-19 ou consulter un professionnel de santé non masqué et pouvant sourire derrière son écran ? »
Même enthousiasme à la parution du décret du côté de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui avait appelé les confrères, dès avril 2020, à se saisir du télésoin. Un appel entendu qui avait notamment inspiré une initiative occitane, avant même que le gouvernement ne mette en place ce dispositif dans le cadre des entretiens pharmaceutiques et des bilans partagés de médication, le 18 mai suivant. « Il s’agit d’un texte fondamental pour la coopération avec les médecins, on va devoir y travailler afin de savoir ce que le pharmacien peut faire, trouver les pistes de ce qu’il peut apporter dans le cadre de la télésanté », explique le président de la FSPF, Philippe Besset. « Évidemment, le télésoin ne peut concerner que des actes pharmaceutiques susceptibles d'être réalisés à distance, cela ne concerne pas, bien sûr, la vaccination ou les TROD. On peut en revanche faire des entretiens pharmaceutiques ou des bilans partagés de médication, à condition que le premier entretien ait été réalisé en présentiel », rappelle-t-il.
Livre blanc
La DGOS planche de son côté sur un « travail d’accompagnement » pour aider les professionnels de santé à appréhender les outils numériques, sous la forme de formations et à travers « des fiches sur des cas d’usage (qui) sont en cours d’élaboration », précise le Dr Yann-Maël Le Douarin. La SFSD propose elle aussi des formations pour s’approprier les outils numériques et finalise un livre blanc pour synthétiser toutes les recommandations autour du télésoin.
En effet, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu ses préconisations en mars dernier afin « de garantir le bon usage et la qualité des soins en amont et à chaque étape de la prise en charge du patient ». Elle considère que « les activités récurrentes d’accompagnement du patient peuvent être réalisées en télésoin ». Ce service est donc particulièrement « adapté à l’entretien pharmaceutique, au bilan partagé de médication, à l’accompagnement de pathologies chroniques (entretiens tabagiques, asthmatique, antivitamine K, diététique, obésité, BPCO, diabète, etc.) et à l’éducation à la santé ». Mais également « en cas de traitements lourds (chimiothérapie orale) où les patients peuvent rencontrer des difficultés pour se déplacer ».
Le décret intègre le télésoin aux articles du code de la santé publique et du code de la Sécurité sociale consacrés à la télémédecine, et précise que toute activité de télésoin doit être inscrite au dossier patient et dans le dossier médical partagé (DMP). Doivent y figurer les actes réalisés, la date et l’heure, l’identité des professionnels intervenant et les éventuels incidents techniques rencontrés. La mise en place du télésoin doit encore faire l'objet de négociations conventionnelles, profession par profession, selon la DGOS. Dans l’attente, des textes dérogatoires vont permettre la pratique de certaines activités en télésoin et leur prise en charge à 100 %. Mais d'après Philippe Besset, aucune négociation conventionnelle n'est nécessaire en ce qui concerne les pharmaciens. Ils peuvent dès à présent s'emparer du télésoin.
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