Sans attendre la publication de l'arrêté qui entérinera leur prix, ni celle du protocole précis que diffuseront les syndicats et l'Ordre au sujet de leurs conditions de réalisation, des officinaux proposent à leurs patients des tests antigéniques depuis quelques jours. Pour « Le Quotidien du pharmacien », deux d'entre eux témoignent.
« Je voulais être prêt le plus tôt possible »
Titulaire de la pharmacie du Grand Jardin à Vence, dans les Alpes-Maritimes, Guillaume Aubert a réalisé pour la première fois des tests antigéniques le 24 octobre. Parmi les sept patients dépistés, un seul s'est avéré positif. « Je voulais être prêt le plus tôt possible », explique cet officinal qui s'était mobilisé dès le mois de juillet pour proposer des TROD sérologiques. En 3 jours, une vingtaine de patients se sont succédé dans son officine, avec des profils très différents. « J'ai reçu un groupe de personnes qui voulaient être testées avant de partir à l'étranger, sauf que le pays dans lequel ils devaient se rendre ne prend en compte que les tests RT-PCR négatifs, je leur ai donc expliqué qu'un test antigénique n'était pas utile pour eux. Une autre patiente avait reçu l'ordre de se faire tester par son patron et compte tenu de ce qu'elle m'a dit, le test n'était pas justifié. » Pour un patient testé, l'officinal en refuse environ deux jusqu'à présent. Savoir si un test est pertinent ou non, Guillaume Aubert le détermine grâce à un questionnaire qu'il soumet aux patients. « C'est cela qui prend le plus de temps. Il faut expliquer au patient à quoi sert le test, comprendre pourquoi ils veulent être dépistés… les patients mélangent un peu tout parfois, donc on doit creuser pour savoir s'il faut les tester ou non », explique-t-il. À Vence, ville de 20 000 habitants, un seul laboratoire d'analyses médicales est encore ouvert. Les files d'attente devant l'entrée peuvent être dissuasives, incitant des patients pas forcément éligibles aux tests antigéniques à pousser la porte de la pharmacie. « J'ai reçu un patient qui avait à peine plus de 65 ans, symptomatique. Il refusait catégoriquement d'aller se faire tester en laboratoire et son médecin était injoignable car nous étions le samedi. Le test était positif, j'ai pu lui conseiller de s'isoler et lui dire de rappeler son médecin dès que possible », raconte Guillaume Aubert. C'est dans son espace de confidentialité habituellement dédié à l'orthopédie que l'officinal vençois réalise les tests. « À son arrivée, la personne est isolée dans cette pièce, je lui précise bien qu'elle ne doit toucher à rien, je m'équipe, j'effectue le prélèvement, puis je désinfecte après chaque passage », détaille-t-il. Guillaume Aubert met à profit les connaissances acquises lors de la formation qu'il a suivie pour les TROD angine il y a quelques mois. Pour l'instant, il s'occupe seul de cette mission et laisse les huit autres membres de l'équipe officinale se consacrer aux autres tâches. « Le test on peut le rater, je n'en ai que 50 en stock, alors je préfère qu'une seule personne s'y mette et soit "carrée" sur la procédure, avec éventuellement un remplaçant si besoin. » Quant à la question du remboursement, pas encore effectif, nombre de ses patients n'en ont cure, préférant savoir s'ils sont infectés dès aujourd'hui.
« On a peut-être sauvé des vies »
À l'autre bout de la France, dans la périphérie lilloise, un autre officinal n'a pas non plus attendu. Après avoir reçu sa commande en fin de semaine dernière, Paul Mercier * a prélevé ses premiers patients dès le samedi suivant dans sa petite pharmacie de quartier. En 3 jours à peine, les 75 tests qu'il avait reçus ont été utilisés. « 22 % des patients étaient positifs, précise ce titulaire, qui peut s'appuyer sur sa formation de technicien de laboratoire. Nous sommes dans une situation d'urgence, alors fallait-il vraiment attendre que l'on soit fixé sur le remboursement pour s'y mettre ? Devais-je laisser mes tests sur la paillasse et dire aux patients de revenir plus tard ? interroge-t-il. Les personnes qui ont su qu'elles étaient positives cette semaine ont pu s'isoler et éviter d'aller voir des proches vulnérables. En anticipant, on a peut-être sauvé des vies », souligne-t-il. Si le taux de positivité est aussi élevé, c'est notamment parce que le pharmacien nordiste a testé de nombreux patients envoyés par des médecins. « Dès que j'ai reçu les tests, j'ai prévenu les médecins et les infirmiers du secteur, je leur ai proposé de leur en rétrocéder. Mais les médecins estiment que c'est compliqué pour eux de le mettre en place, d'avoir un local adapté, alors ils orientent les patients vers nous en cas de symptômes évocateurs », explique-t-il. L'une des trois entrées de la pharmacie a été sacrifiée pour accueillir les patients venus se faire tester et éviter qu'ils ne côtoient des personnes fragiles comme celles venues se faire vacciner. C'est dans un petit local d'environ 3 mètres carrés, habituellement utilisé pour stocker des livraisons, que le pharmacien nordiste prélève puis analyse les résultats. « Ce qui est le plus long c'est de tout nettoyer et désinfecter entre chaque patient. Sur les 7 membres de l'équipe, nous sommes pour l'instant deux à nous en occuper. J’ai une appétence pour ce type d'acte de par ma formation mais si ce n'est pas trop invasif, ce n'est pas totalement anodin non plus. Donc, pour le moment, j'ai décidé de ne pas impliquer les préparateurs, même si certains étaient volontaires », précise Paul Mercier, qui a pris soin de regarder les vidéos de formation du laboratoire qui lui a fourni les tests et « s'est exercé » sur sa collègue avant de se lancer. « Je comprends que, pour diverses raisons, des confrères puissent être réticents. Étant la plupart du temps au comptoir, j'ai néanmoins pu sentir à quel point ce service était demandé par les patients, notamment par ceux qui n'ont pas de voiture et ont du mal à se déplacer. » Désormais en rupture, Paul Mercier attend de recevoir sa prochaine commande, peut-être en fin de semaine.
* Prénom et nom ont été modifiés.
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