Le Quotidien du pharmacien. - Quelle est votre position sur l’extension des compétences vaccinales des pharmaciens ?
Pr Christine Rouzioux. - J'y suis tout à fait favorable. C'est un premier pas et nous constatons que les leçons apprises du SARS-CoV-2 sont déjà en route. La pandémie a montré à quel point les pharmaciens jouaient un rôle important en tant qu’acteurs de santé publique. Ce sont des acteurs de proximité pouvant donner accès à la vaccination sur l'ensemble du territoire. Ils ont démontré avec la vaccination contre le SARS-CoV-2 qu'ils avaient les compétences en matière de gestion des stocks de vaccins et pour en assurer la traçabilité…
L'Académie nationale de pharmacie se félicite de l'avis de la HAS et demande une application rapide en donnant aux pharmaciens tous les moyens pour remplir cette mission, y compris les outils de communication. L'Académie de médecine est aussi très attachée à l'élaboration d'un passeport vaccinal, qu'il soit électronique ou non. La mise en place de moyens de traçabilité et de suivi des données nationales est nécessaire : il est en effet essentiel que nous sachions où nous en sommes dans ces couvertures vaccinales de la population.
La HAS, qui a pour l'heure limité son avis à la vaccination des plus de 16 ans, se réserve un avis ultérieur sur l'extension de ces compétences à la vaccination des enfants et des adolescents. Y êtes-vous favorable ?
La question des vaccinations de l'enfant n'est pas tout à fait semblable à celles de l'adulte. C'est un acte plus compliqué impliquant des pathologies différentes. Les enfants sont d'ailleurs le plus souvent suivis par un pédiatre qui assure le suivi du calendrier vaccinal. De plus, les vaccins de l'enfant ne couvrent pas les mêmes pathologies que celles visées chez les adultes. Ces classes d'âge ne sont pas non plus concernées par le vaccin de la grippe. Il faut veiller à ne pas déborder les pharmaciens et bien répartir les tâches. Je pense que le prochain texte de la HAS sur la vaccination des enfants et des adolescents sera différent.
Néanmoins, n'y a-t-il pas une contradiction dans l'avis autorisant la vaccination contre le HPV à partir de 16 ans alors même que ce vaccin peut être administré dès 11 ans ?
Encore une fois, il faut veiller à ne pas surcharger les pharmaciens. La vaccination contre le HPV est actuellement assurée par les pédiatres, les médecins de ville et les gynécologues, sans doute encore réticents à céder ce terrain aux pharmaciens. Ceux-ci pourraient intervenir auprès des jeunes de plus de 16 ans, ceux dont les parents n'auront pas approuvé la vaccination pendant l'enfance. En contact avec ces jeunes, ils pourront leur dispenser des conseils de prévention et de vaccinations, y compris contre l'Hépatite B, incluant des informations aux questions de santé sexuelle. Des outils de communication adaptés devraient être mis en œuvre.
De manière générale, il faut absolument qu'une information homogène soit dispensée au public par le biais de fiches pour chacun de ces vaccins visant des virus non vivants. Les adultes doivent être sensibilisés. Combien ne sont pas à jour de leur vaccin diphtérie tétanos alors qu'ils soignent leurs rosiers ? Combien de personnes âgées ne sont pas protégées contre les pneumocoques ?
Comment ce nouveau rôle va-t-il s’inscrire dans l’interprofessionnalité, en particulier dans la relation avec les médecins et les infirmiers libéraux ?
La couverture territoriale doit être la première préoccupation. Dans certaines régions, les médecins généralistes ont besoin de soutien, dans d'autres pas. Dans certaines communes, le pharmacien est seul à avoir des contacts avec la population. La coordination professionnelle à l'échelle d'un territoire est le pilier de la politique vaccinale. Une nouvelle fois, il faut rebondir sur l'épidémie de SARS-CoV-2 et se souvenir de ce que les pharmaciens sont capables d'assurer dans le domaine de la chaîne du froid et de la traçabilité.
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