C’est une situation ubuesque que dénoncent les syndicats. Confrontés à des pénuries de plus en plus fréquentes, les pharmaciens sont parfois amenés à délivrer le médicament princeps à leurs patients recevant habituellement la version générique. Mais quand la molécule a été mise sous tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) et que le princeps ne s’est pas aligné, la différence doit être payée par le patient. Une différence qui peut s’élever à plus de 800 euros !
Lorsqu’une mise sous TFR est imposée par le Comité économique des produits de santé (CEPS), certains médicaments princeps font le choix de baisser leur prix jusqu’à s’aligner sur le TFR en question, quand d’autres conservent leur tarif négocié initial. Or, en cette période d’explosion du nombre de tensions et de ruptures de médicament, il arrive de plus en plus fréquemment que le pharmacien soit confronté à une rupture sur l’ensemble des génériques d’une molécule. Il n’a alors d’autre choix que de délivrer le médicament princeps, même quand le patient accepte ou préfère le générique.
Problème : celui-ci doit alors payer la différence de prix entre le princeps et le générique sous TFR. Si le principe même est injuste, la situation devient scandaleuse quand le patient doit sortir de sa poche plus de 800 euros… « En ce moment, la situation est souvent rencontrée sur un collyre mais la différence de prix reste raisonnable, on doit demander 5,50 euros au patient. C’est beaucoup plus grave avec l’anticancéreux Tarceva (erlotinib) », explique Denis Millet, secrétaire général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Les trois dosages de cet inhibiteur des protéines kinases ont été mis sous TFR au 1er novembre 2021. Le médicament d’origine du Laboratoire Roche ne s’est pas aligné sur ce tarif. Résultat : la différence de prix entre princeps et générique s’établit à près de 200 euros pour le dosage 25 mg, à 660 euros pour le dosage 100 mg, et à plus de 815 euros pour le dosage 150 mg. « Demander plus de 800 euros au patient parce qu’on lui délivre le médicament princeps qu’il n’a même pas exigé et qu’il subit comme nous le problème des pénuries de médicaments, c’est inadmissible », souligne Denis Millet. Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ne dit pas autre chose, lui qui a porté le sujet en commission paritaire nationale la semaine dernière et à nouveau le jeudi 5 juillet dans son propos liminaire en comité de suivi des génériques. Pour l’heure, aucune réponse n’a été apportée aux syndicats.
Sur le même thème, ces derniers dénoncent aussi les reproches entendus quant à une trop grande utilisation de la case « non substituable (NS) – urgent » par les officinaux. « En plus des trois cas de mention NS qui peuvent être utilisés par le prescripteur, le pharmacien peut aussi actionner un NS dit urgent. Le nombre de NS urgent actionnés par le pharmacien a augmenté ces derniers temps, justement en raison de pénuries de médicaments génériques qui ne laissent pas d’autre solution que la délivrance du médicament princeps. La case NS pour rupture n’existe pas dans notre logiciel », regrette Pierre-Olivier Variot.
Selon la Commission d’enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments, qui a rendu son rapport hier, environ 70 % des ruptures et tensions concernent des médicaments génériques. Cette réunion du comité de suivi des génériques était la première depuis le boycott des industriels et des pharmaciens en janvier dernier pour protester contre de nouvelles baisses de prix envisagées par le CEPS.
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