Parmi les enseignements tirés de l’enquête* menée par Toluna Harris Interactive pour NèreS (ex-AFIPA), la facilité d’accès aux pharmaciens (96 % des répondants) au contraire des médecins (24 %) fait des confrères une évidente porte d’entrée pour les soins de premiers recours. D’autant, révèle le 2e bulletin de santé des Français, que près de 9 Français sur 10 ont souffert de « maux du quotidien » au cours des douze derniers mois, en moyenne à cinq reprises. Or, pour y remédier, certains continuent à se rendre chez le médecin ou aux urgences et contribuent à l’engorgement du système de santé, alors que leurs besoins auraient pu être pris en charge à l’officine.
Ce bulletin de santé des Français révèle aussi le sévère autodiagnostic dressé par les répondants : 30 % s’estiment en mauvaise santé, contre seulement 19 % en très bonne santé. En s’attardant sur les profils, Jean-Daniel Lévy, directeur délégué chez Harris Interactive, note que les Français se disant en mauvaise santé sont majoritairement sans activité professionnelle (55 %), ayant des revenus faibles (43 %) et des connaissances limitées en matière de santé (46 %). Ils sont d’ailleurs 41 % à juger qu’il est très difficile de se rendre chez un médecin généraliste. Par ailleurs, 22 % des répondants estiment que leur santé mentale s’est détériorée depuis 2022, en lien notamment avec les préoccupations financières dues au contexte économique et leurs conséquences sur le pouvoir d’achat (46 %).
De la complexité au renoncement
À ce tableau s’ajoute la perception d’un système de soins trop complexe pour s’y retrouver. Ainsi, 7 Français sur 10 ne savent pas quel spécialiste ils peuvent consulter sans passer par un médecin généraliste (72 %) ou quelles sont les prestations prises en charge par l’assurance-maladie (75 %) ou la complémentaire santé (72 %). De même 58 % trouvent difficile de savoir à qui s’adresser en cas de problème de santé, surtout de nuit en semaine et le week-end. Une complexité qui a déjà conduit 45 % des répondants à ne pas se soigner, majoritairement chez des personnes qui se disent en mauvaise santé et/ou dont la santé mentale et physique s’est détériorée depuis 2022. Quant aux mesures instaurées pour fluidifier le parcours de soins, elles restent peu connues des usagers puisqu’ils sont nombreux à ne jamais avoir entendu parler des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS ; 73 %), des infirmiers de pratique avancée (IPA ; 66 %), des services d’accès aux soins (SAS ; 65 %) ou des nouveaux services proposés par les pharmaciens (49 %).
Élargir les outils à la main du pharmacien
L’ensemble de ces résultats est « un signal d’alarme envoyé par les Français », analyse Paul-François Cossa, le nouveau président de NèreS. Alors même que le nombre de Français sans médecin traitant a progressé entre 2022 (5 %) et 2023 (12 %), tout comme le renoncement aux soins, l’association renouvelle son plaidoyer pour que le pharmacien occupe une place centrale en devenant la porte d’entrée des soins de premier recours. Le but : soulager les médecins généralistes et les urgences et faciliter l’accès aux soins. « Le succès d’une telle mesure repose sur la condition sine qua non d’un dialogue renouvelé entre le pharmacien, le médecin traitant et l’infirmière référente, souligne Paul François Cossa, ainsi que sur l’élargissement de l’éventail d’outils à la disposition des pharmaciens d’officine à travers les conseils dispensés et la réorientation dans le parcours de soins, mais surtout, une plus grande gamme de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et de médicaments de prescription médicale facultative (PMF). »
Cette demande renouvelée de délistages est d’autant plus nécessaire que l’arsenal thérapeutique à la main du pharmacien n’a cessé de se restreindre ces dernières années, le privant de solutions pour certains patients. Or, selon des projections réalisées en 2020 par l’association, « si la France délistait les molécules déjà accessibles sans ordonnance en Europe, cela pourrait générer 1,5 milliard d’euros d’économies pour la Sécurité sociale ». Néanmoins, l’association garde en tête une autre de ses propositions : réfléchir à une modification du modèle dans lequel le médicament remboursable n’est pris en charge que s’il est prescrit par un médecin. Quant à l’élargissement des TROD que le pharmacien peut réaliser, si NèreS n’entre pas dans le détail, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a quelques idées, notamment en faveur des tests permettant de doser la CRP (C-reactive proteine) capillaire pour différencier infection virale et bactérienne.
Fonder un Conseil national du 1er recours en santé
S’appuyant sur la confiance renouvelée des Français envers leur pharmacien (à plus de 90 %), NèreS plaide aussi pour développer un parcours de prévention du quotidien dont le pharmacien serait le référent, couvrant aussi bien des thématiques d’orientation nationale que des besoins plus locaux, et dont le cadre pourrait être travaillé au sein d’un Conseil national du 1er recours en santé. La fondation de cette instance de concertation – réunissant les autorités de santé, les représentants des professionnels de santé, des patients et des industriels – viserait plusieurs objectifs. D’abord être en capacité de rassembler des données relatives aux maux du quotidien, actuellement « noyées dans les chiffres relatifs à toutes les pathologies », et de les analyser pour suivre la prévalence et l’évolution de ces maux du quotidien sur les territoires, tout en quantifiant les difficultés de navigation dans le parcours de soins. Et ainsi mettre en place un « pilotage efficace » permettant de développer des solutions adaptées aux besoins des populations en s’appuyant sur les nouvelles organisations de soins.
Alors que la santé reste un sujet au cœur des préoccupations des Français (93 %), tout comme la prévention (91 %), NèreS propose de répondre à la situation critique exposée dans ce 2e bulletin de la santé des Français par « des solutions faciles à mettre en œuvre, immédiatement opérationnelles et qui nécessitent peu ou pas d’investissement public », insiste Paul-François Cossa. Des solutions à bâtir dans le détail avec les pouvoirs publics, les professionnels de santé et les patients au sein du Conseil national du 1er recours « en plaçant systématiquement les patients au centre du modèle ».
* Étude en ligne menée du 24 au 31 mai 2023 auprès de 2018 Français de 18 et plus.
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