Encore un nouveau rebondissement dans le film juridico-médiatique de la mélatonine. Selon le « Journal officiel » du 15 septembre 2015, la mélatonine dosée jusqu’à 1 mg (par unité de prise) ne fait plus partie de la liste II des substances vénéneuses destinées à la médecine humaine. Si court soit-il, ce texte vient semer un vent de panique dans le monde des compléments alimentaires. Plus personne ne sait ce qu’il a le droit de faire concernant la vente de mélatonine.
En effet, jusqu’à ce 15 septembre 2015, tout le monde s’accordait à dire que, « en dessous de 2 mg par unité de prise, l’hormone pouvait être vendue en tant que complément alimentaire, sans ordonnance. En revanche, au-delà de 2 mg, elle devait être considérée comme un médicament », décrypte Guillaume Cousyn (bureau technique, DGCCRF). Et cela, même si la mélatonine appartenait à la liste des substances vénéneuse. Cet accord tacite date d’un avis du Conseil d’État publié en 2014 qui allait dans ce sens. Depuis, cohabitent dans les officines des compléments alimentaires dosés jusqu’à 1,95 mg, en vente libre, et un médicament dosé à 2 mg, le Circadin, disponible uniquement sur prescription médicale, indiqué dans les troubles du sommeil chez la personne de 55 ans ou plus.
La dose qui change tout
Mais le nouvel arrêté vient changer la donne. Il pourrait signifier que le statut de la mélatonine soit désormais triple, selon la dose par unité de prise. Autrement dit :
- Jusqu’à 1 mg, la mélatonine serait commercialisée librement.
- De 1 mg jusqu’à 2 mg, la mélatonine serait vendue uniquement en pharmacie et sur ordonnance (qu’elle soit médicament ou complément alimentaire).
- À partir de 2 mg, elle serait vendue en pharmacie en tant que médicament, sur prescription médicale obligatoire.
C’est sans doute là que souhaite en venir la Direction générale de la santé, qui n’a pas pris le temps de répondre à nos questions. Pour les pharmaciens, cela réintroduirait la mélatonine dosée à plus de 1 mg dans leur monopole. Pour les industriels, cela impliquerait notamment une réorganisation du marché et des reformulations, puisque les compléments alimentaires dosés à moins de 1 mg seraient vendus librement (notamment dans les grandes surfaces), et ceux dosés entre 1 mg et 2 mg ne seraient vendus qu’en pharmacie. En outre, cet arrêté pourrait bien faire grincer des dents certains industriels, qui pourraient en contester le bien fondé devant les tribunaux.
Une question européenne
Par ailleurs, la mise sur le marché de compléments alimentaires à base de mélatonine pourrait être prochainement facilitée dans l’Hexagone. En effet, la France prépare une liste positive de substances autorisées dans les compléments alimentaires. La mélatonine devrait y apparaître, mais sans dose précisée. « De telles listes existent déjà pour les vitamines et les plantes. Elles viennent simplifier le processus de commercialisation car le fabricant informe juste la DGCCRF du lancement de son produit, mais n’a pas besoin d’attendre l’accord préalable de la DGCCRF (ce qui implique un délai de 2 mois) lorsque son complément renferme uniquement des composés inscrits sur ces listes », explique Constance Bezulowsky, responsable des affaires réglementaires au Syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet). Ainsi, si la mélatonine devient autorisée de facto dans les compléments alimentaires, l’industriel pourra commercialiser son produit en France plus rapidement. Il faudra seulement veiller à ne pas tomber dans le champ du médicament. « Cette liste devrait être publiée 2016 », dévoile Constance Bezulowsky.
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