Le danger semble écarté. À moins d’un revirement au Sénat, le texte adopté vendredi 26 octobre par les députés est salvateur pour l’officine : l’amendement à l’article 29 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, restreint formellement aux seuls médicaments génériques le dispositif « tiers payant contre générique ». Un amendement du gouvernement largement inspiré par le Gemme (les fabricants de génériques).
La mesure, qui se voulait incitative, ne sera donc pas applicable au médicament princeps dont le prix s’alignerait sur celui des génériques. Dans les rangs de la profession - tout comme chez les fabricants de génériques (voir ci-dessous) - c’est un ouf de soulagement. Cette « extension » du dispositif « tiers payant contre générique », qui garantit au générique son statut particulier, est en effet primordiale pour préserver l’économie du générique et, au-delà, l’économie de l’officine. Il s’agit également d’un geste politique, comme le rappelle le texte de l’amendement : « il est essentiel pour que la concurrence puisse pleinement jouer entre médicaments princeps et génériques, qu’une incitation, ayant fait les preuves de son efficacité, demeure pour les médicaments génériques. »
Opportunisme
Pour saisir la portée de cet amendement dans toute son ampleur, il faut revenir un an en arrière. À l’automne 2018, les parlementaires votent la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 qui comprend un article 66 censé promouvoir le générique en restreignant les règles du non substituable (NS) aux seuls cas objectifs d'exceptions médicales prévues par décret. Mais, revers de la médaille, ce même article 66 pourrait également inciter les fabricants de princeps à revoir leur politique de prix. Le piège n’échappe pas aux pharmaciens. Aujourd'hui, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) se souvient avoir alerté « dès la première heure le ministère sur le caractère contre-productif et dangereux de cette disposition ».
Divers scénarios de la profession prévoient en effet que, pour se maintenir sur le marché, les fabricants de princeps alignent leur prix sur ceux des génériques. Un opportunisme qui aurait pu alors coûter très cher aux pharmaciens, comme l’estimait Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), en tenant pour preuve – à moindre échelle — la récente mise sous TFR du Glucophage (metformine). La menace de ce qui ressemblait fort à une « TFRisation » généralisée était en effet substantielle. Selon la FSPF, 300 millions d’euros, soit 20 % du marché du générique, auraient pu ainsi échapper chaque année au réseau officinal. Sans compter qu'un TFR généralisé aurait réduit à néant le travail des pharmaciens de ces 20 dernières années en faveur des génériques.
L'ultime étape du Sénat
C’est dire si les syndicats sont aujourd’hui soulagés de voir ce spectre s’éloigner. Même s’ils ne sont pas entièrement satisfaits de l’amendement adopté le 25 octobre. Philippe Besset avait souhaité la suppression pure et simple de l’article 66. Il devra se contenter d’un aménagement. D’où le sentiment d’avoir remporté une victoire en demi-teinte. « Je retiens néanmoins de cet amendement une satisfaction pour l’économie officinale dont on sait que l’économie du générique est un support essentiel. Mais si ce texte sauve l’économie de l’officine, en revanche il ne résout en rien les questionnements au comptoir », déclare-t-il.
Pour Gilles Bonnefond, le succès n'est pas encore acquis. Il souligne la fragilité d’un tel texte. Le fondement légal pourrait en effet en être contesté. Aussi le président de l’USPO attend les réactions de tous les acteurs de la chaîne du médicament. Mais surtout, l’issue des débats parlementaires. Le texte voté par les députés le 25 octobre sera examiné en séance plénière au Sénat à partir du 12 novembre, avant un vote solennel le 19 novembre. L’agenda est serré, la loi de financement de la Sécurité sociale devant être promulguée avant le 31 décembre 2019.
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