Une étude de Santé publique France (SpF), publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de septembre dernier (1), s’est penchée sur les années potentielles de vie perdues prématurément (APVPp) par MCV entre 2013 et 2015 selon les départements.
En 2015, sur les 144 626 décès par MCV enregistrés en France, la mortalité prématurée représentait 8,9 % (12 874 décès) de la mortalité totale et 8,2 % pour l’AVC (2 575 décès). « Le nombre moyen d’APVPp par personne était de 10,4 ans et semblable pour l’accident vasculocérébral (AVC) et l'infarctus du myocarde (IDM) pour les deux sexes », relève l’étude.
Une mortalité plus précoce au nord et dans les DROM
Mais cette observation nationale reflète mal la diversité des situations locales. Pour les seuls AVC, l’analyse par département montre des taux d’APVPp plus importants dans la moitié nord de la métropole et dans les départements et régions d'outre-mer (DROM).
Ainsi, plusieurs départements affichent un taux d'au moins 30 % supérieur au taux national, et notamment l’Orne (+ 65 %), la Haute-Marne (+ 51 %) ou la Seine-Maritime (+ 47 %). Dans les DROM, le constat est particulièrement défavorable : le taux d’APVPp est le plus élevé en Guyane (+ 186 %), et dans une moindre mesure en Guadeloupe (+ 85 %), Martinique (+ 50 %) et à La Réunion (+ 49 %).
À l’inverse, la moitié sud du territoire métropolitain montre des taux d’APVPp en dessous de la moyenne nationale — à l’exception de l’Aude (+ 33 %) et des Alpes-de-Haute-Provence (+ 94 %) — Haute-Garonne (- 46 %), Hautes-Pyrénées (- 26 %) ou Haute-Savoie (- 40 %).
Des territoires sous-dotés en UNV
Pour expliquer ces disparités, l’étude de SPF avance deux hypothèses : une répartition inégale des facteurs de risque (FDR) sur le territoire mais aussi de l’offre, de l’accès et de la qualité des soins. Ainsi, la Guyane, où le taux d’APVPp est le plus élevé, ne dispose d’aucune UNV. À l’inverse, les départements présentant un taux d’APVPp inférieur à la moyenne nationale avaient les meilleurs taux de prise en charge par les UNV. C’est le cas par exemple dans les Hautes-Alpes et le Tarn où, respectivement 76 % et 72 % des patients y sont pris en charge.
Ce constat ne surprend pas le vice-président de la Société française neurovasculaire, le Pr Igor Sibon, chef du service de neurologie et de l’UNV du CHU de Bordeaux. « Deux aspects sont essentiels dans la prise en charge des AVC : la prévention primaire des FDR par les médecins généralistes et la prise en charge dans une phase aiguë par un service d’urgence ou une UNV, rappelle-t-il. La désertification médicale dans certaines régions impacte ces deux aspects ».
Services post-AVC
Parmi les pistes avancées pour réduire les inégalités, l’étude de SpF met l’accent sur la prévention dans les territoires les plus impactés par les facteurs de risque. Mais cet effort nécessite des effectifs médicaux. « Une piste peut venir de la multiplication des professionnels de santé investis dans la prévention et le dépistage, comme les pharmaciens et les infirmières de pratique avancée », estime le Pr Sibon.
Pour l’amélioration de la prise en charge, le défi est également celui des effectifs médicaux : « il y a un besoin évident de formation de personnes compétentes pour prendre en charge des AVC, et tout particulièrement de neurologues, juge le Pr Sibon. C’est un élément important pour répondre à une activité que ne cesse de croître du fait du vieillissement de la population ».
Pour l’heure, les 140 UNV existantes ne prennent en charge que 50 à 75 % des patients en phase aiguë, selon les territoires concernés. Au-delà de la question des effectifs, la prise en charge souffre d’un manque de lits. « Les durées de séjour dans les UNV ne cessent de s’allonger, notamment par manque de places dans les services post-AVC, les soins de suite ou de réadaptation et dans les EHPAD, observe le Pr Igor Sibon. C’est ainsi toute une filière de soins qu’il faut prendre en compte ».
(1) Félicia Santos, et al. BEH. Septembre 2020
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