En France, l’enquête confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en juin 2015 a abouti à la diffusion en février dernier d’une synthèse édifiante sur la séquence tardive des prises de décision expliquant le (nouveau) drame sanitaire actuel. Elle confirme que la découverte de la tératogénicité des antiépileptiques n’a rien de récent.
Malformations congénitales
S’agissant du valproate en particulier, la première malformation majeure chez le nourrisson fut observée en 1980 et publiée en 1981(1) (à ce moment, son action tératogène chez l’animal était déjà démontrée sans ambiguïté). D’autres publications suivirent : les effets les plus visibles étaient décrits dès le début de la décennie 80 dans plusieurs pays (ainsi, dès 1982, le CDC d’Atlanta ouvre un registre des grossesses sous valproate pour cerner le risque). Durant les années 1980 et 1990, les embryofœtopathies dose-dépendantes attribuables aux antiépileptiques furent abondamment documentées et pointèrent la participation particulièrement préoccupante du valproate. Elles permirent de prouver qu’anomalies cardiaques, rénales, des membres, de la colonne vertébrale (spina-bifida) et du visage (dysmorphies dont notamment bec-de-lièvre) affectent un peu plus de 10 % des enfants exposés in utero à la molécule. Pour s’en tenir à la France, 425 à 450 enfants seraient nés vivants ou morts porteurs de malformations congénitales associées au valproate entre 2006 et 2014.
Troubles neurodéveloppementaux
C’est à partir du début des années 2000 que des anomalies plus discrètes furent associées de façon également dose-dépendante à l’usage du valproate (risque important au-delà de 800 mg/j) : leur détection resta tardive car ces effets surviennent à distance de l’accouchement et car les registres enregistrant les malformations congénitales ne suivaient pas le devenir des bébés au-delà de la première année de vie. Il est désormais acquis qu’environ 40 % des enfants exposés in utero à ce médicament présentent un retard psychomoteur et/ou un trouble du spectre de l’autisme et/ou un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). À la différence des autres organes, le cerveau demeure sensible aux agents tératogènes jusqu’à la fin de la grossesse - et même après la naissance - : les anomalies morphologiques sont possibles jusqu’à la 16e semaine, puis, par la suite, des fœtopathies à types de retard neurodéveloppemental. Si le sur-risque de survenue de troubles cognitifs et de troubles comportementaux a été confirmé par des études prospectives en 2009, l’IGAS considère toutefois que, dès 2004, l’accumulation de signaux alarmants justifiait la prise de mesures d’information à l’attention des prescripteurs comme des patients.
Retard à la détente
En regard de l’ancienneté de ces données, constat est fait qu’il aura fallu attendre 2006 pour que le valproate soit déconseillé en cas de grossesse. Plus tard encore, en novembre 2014, un arbitrage européen répertoria l'ensemble des risques et aboutit à de nouvelles conditions de prescription et de délivrance des spécialités à base de valproate ou équivalent (Dépakine, Dépakote, Dépamide, Micropakine).
Récemment publié, le premier volet d'une étude menée sur le valproate révèle qu’entre 2007 et 2014 plus de 14 000 femmes enceintes avaient été exposées et que 8 701 enfants étaient nés vivants après avoir été exposés in utero au valproate, sans détailler cependant le nombre atteint par tel ou tel type de trouble : évaluée dans un deuxième temps, cette donnée sera publiée d’ici quelques mois. L’Association d’Aide aux Parents d'Enfants souffrant du Syndrome de l'Anti-Convulsivant (APESAC, www.apesac.org) estime qu’il y aurait en fait des dizaines de milliers de victimes, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu de la fréquence de prescription du valproate depuis sa commercialisation. On note toutefois que le recours à ce médicament décline depuis environ 8 ans en neurologie : la majorité des prescriptions relève désormais d’indications psychiatriques.
1) Gomez M.R. (1981), Possible teratogenicity of valproic acid, J. Pediatr.98 (3), pp.508-9.
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