La Commission européenne n’est pas spécialement réputée pour sa sympathie envers les professions réglementées, comme les architectes, les avocats ou les experts-comptables, mais aussi les pharmaciens et les médecins. Elle voit en effet dans nombre de réglementations nationales des mesures de « protection » qui entravent les sacro-saintes libertés de circulation et d’installation dont elle est la garante. La future directive sur la « proportionnalité » doit donc lui permettre de mesurer la légitimité de ces réglementations et, surtout, leur proportionnalité par rapport aux bénéfices pour la population. En d’autres termes, s’il est normal qu’un notaire ou un médecin obéisse à des règles d’exercice particulièrement contraignantes pour garantir la qualité de ses actes ou de ses traitements, il ne faut pas pour autant que ces règles soient disproportionnées et empêchent, par exemple, ses confrères de pouvoir eux aussi s’installer et exercer leur métier.
Pour le Comité permanent des médecins européens (CPME), le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPEU) et le Conseil des dentistes européens (CED), le problème de la directive réside dans le fait que l’ensemble des professions réglementées seront soumises aux mêmes procédures d’évaluation, alors que les impératifs des professions de santé ne sont pas du tout les mêmes que ceux des professions techniques ou juridiques. Les trois organismes réclament donc une exclusion des professionnels de santé du champ d’application de la directive : le président du GPEU, le pharmacien britannique Rajesh Patel, celui du CPME, le Dr Jacques de Haller, et celui du CED, le Dr Marco Landi, soulignent que s’il faut passer au crible toutes les dispositions nationales des professions de santé, par nature très sévèrement réglementées, cela va entraîner des tâches administratives coûteuses et une forte insécurité juridique : à terme, relève M. Patel, « si on fait passer le droit général européen de la concurrence et la libre circulation avant la protection des patients, on fera chuter dangereusement la qualité et la sécurité des prestations ».
Faciliter l'accès au travail des jeunes
On pense ici, en ce qui concerne les pharmacies, aux réglementations sur les quotas, déjà souvent attaquées devant la Cour de Justice européenne, mais jusque-là toujours maintenues. Oui, avait estimé en substance la Cour dans ses arrêts, les quotas et les restrictions de créations sont contraires au droit européen sur la libre circulation, mais ces restrictions sont justifiées par des impératifs sanitaires. Ils visent avant tout à permettre aux pharmacies d’être suffisamment grandes pour pouvoir fonctionner et dispenser tous les services nécessaires, tout en garantissant un maillage efficace de l’ensemble du territoire. Mais que se passerait-il si, un jour, ces mesures étaient déclarées « non proportionnelles » à leur « service rendu » pour la population ?
De son côté, la Commission assure ne pas vouloir faire voler en éclat toutes les dispositions réglementaires spécifiques dont elle admet que certaines ont été prises dans l’intérêt général, mais veut en supprimer les aspects qu’elle juge excessifs. Elle cite quelques exemples de restrictions qui, une fois supprimées, ont permis, selon elle, de faciliter l’accès au travail de « milliers de jeunes ». Parmi ceux-ci, écrit-elle, la réforme menée en 2006 en Italie par Pier Luigi Bersani, qui concernait en particulier les taxis et les pharmacies, « a permis à de nombreux nouveaux entrants d’accéder au marché professionnel, et d’augmenter considérablement le niveau d’emploi des jeunes pharmaciens ». Elle salue, de même, les réformes polonaises lancées en 2005, qui ont permis de « tripler le nombre d’avocats et de doubler celui des conseillers juridiques, sans baisse de leurs revenus ni de la qualité de leur travail », ainsi que le doublement du nombre d’agents immobiliers, de conseillers fiscaux et de kinésithérapeutes observé en Grèce depuis une libéralisation menée en 2011. Ces résultats justifient donc, pour la Commission, la nécessité de poursuivre de telles politiques dans l’ensemble de l’Union européenne. Il lui faudra toutefois d’abord, pour cela, mener jusqu’au bout toutes les procédures juridiques permettant l’adoption de ce projet, dont les passages devant le Parlement européen et, bien entendu, l’accord des États membres via le Conseil européen.
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