L’étude de David T. Levy, du Centre de Recherche sur le Cancer Lombardi (université Georgetown de Washington), repose sur un modèle d’évaluation des politiques anti-tabac développé dans son service, SimSmoke, validé dans plus de 20 pays où il sert de référence aux politiques anti-tabac (depuis 2005 pour SimSmoke-France).
L’équipe de Levy s’est intéressée aux modifications de la perception du tabagisme en Australie, au Canada et au Royaume-Uni, à la suite de l’introduction d’avertissements sanitaires visuels sur les paquets de cigarettes. Huit ans après, au Canada, la prévalence des sujets ayant réduit leur consommation est passée de 12 % à 20 %. Après mise en œuvre de cette stratégie en Australie, en 2006, la prévalence du tabagisme a chuté de 21,3 % (2007) à 19 % (2008). Au Royaume-Uni, elle a chuté de 10 % dans l’année suivant la diffusion des photos « choc ». Cette méta-analyse confirme l’existence d’une association directe entre ce type de message et la diminution de la prévalence du tabagisme, avec réduction de la morbi-mortalité et des coûts sociaux liés au tabac.
70 pays ont adopté ou sont sur le point d’adopter la Convention cadre de lutte anti-tabac (Cclat) de l’OMS (2003). La France a ratifié cet accord en 2004 ; l'arrêté du 15 avril 2010 a imposé aux cigarettiers d'imprimer une image dissuasive sur au moins 40 % de la face arrière du paquet : il est appliqué depuis 2011. Cependant, cette mesure ne l’est pas aux États-Unis car des recours ont été déposés par le lobbying de l’industrie du tabac : de ce fait, les paquets n’y affichent qu’un avertissement textuel. Les chercheurs de Washington, en utilisant la modélisation SimSmoke, estiment que sa mise en œuvre concrète aux États-Unis réduirait la prévalence du tabagisme de 5 % à court-terme et de 10 % à long-terme. Si, par exemple, la mesure avait été appliquée dès cette année, le nombre de décès attribuables au tabac aurait été réduit de 652 800 d’ici 2065, sans évoquer la diminution du nombre des enfants nés prématurés (plus de 46 000 cas évités), etc.
150 mutations génomiques
Confortant l’appréciation du risque associé au tabagisme, une équipe conduite par Ludmil Alexandrov (université de Californie) a établi un corrélat entre le nombre de cigarettes fumées au cours d’une vie et le nombre de mutations dans l’ADN des tumeurs cancéreuses (voir notre précédente édition). L’analyse génétique de plus de 5 000 d’entre elles a montré l’existence de signatures mutationnelles propres aux fumeurs avec un taux de mutation particulièrement élevé dans les tumeurs pulmonaires mais pas seulement : en moyenne, la consommation d’un paquet par jour pendant un an induit 150 mutations dans chaque cellule pulmonaire (dont chacune constitue le point de départ théorique d’une tumeur) et cette même consommation induit 97 mutations dans chaque cellule du larynx, 39 pour le pharynx, 23 pour la bouche, 18 pour la vessie et 6 pour le foie. Si les tissus les plus directement exposés à la fumée sont évidemment plus à risque de mutation, le tabagisme n’en est pas moins à l’origine de cancers distants par un mécanisme indirect restant à élucider. Quoi qu’il en soit, pour l’OMS, le constat reste, lui, basique : le tabac pourrait tuer 1 milliard de personnes au cours du XXIe siècle…
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