EN TANT que pharmaciens, acteurs de santé publique de première ligne, nous voyons quotidiennement des patients pris au piège et victimes de leur tabagisme, dont beaucoup mourront ou seront invalides malgré nos efforts et les soins prodigués. Il s’agit du problème de santé publique le plus grave dans le monde.
Par ailleurs, l’usage croissant de la cigarette électronique qui aide manifestement de nombreux fumeurs à tourner la page du tabac est une évidence que nul ne peut ignorer. Ce nouvel outil dans l’arsenal d’aide à l’arrêt du tabac semble révéler une efficacité qui explique ce succès sans précédent. Mais des idées fausses se font jour qui en limitent la diffusion, alors que son potentiel en termes de santé publique est réel. Il convient donc de rappeler que :
– c’est la combustion du tabac qui est dangereuse pour la santé des fumeurs, et non la nicotine. Il est ainsi bien établi que les substituts nicotiniques ne sont pas dangereux pour la santé des fumeurs désireux de quitter le tabac. Il en est de même pour la nicotine contenue dans les e-cigarettes ;
– les principaux poisons produits par la combustion du tabac et contenus dans sa fumée sont le monoxyde de carbone ou CO, responsable d’infarctus du myocarde et d’attaques cérébrales, les goudrons cancérigènes, et les particules fines aboutissant à des bronchites chroniques obstructives. Les dangers des cigarettes électroniques sont infiniment moindres que ceux du tabac, dès lors que leur vapeur ne contient ni CO, ni goudrons, ni particules fines solides ;
– les caractéristiques de la cigarette électronique doivent toujours être comparées à celles de la cigarette combustible, et s’il persiste des doutes et des débats sur la parfaite innocuité à long terme de certains de ses composants, ils doivent être confrontés à la certitude absolue de la dangerosité du tabac ;
– la cigarette électronique peut être conseillée à tout fumeur désireux d’arrêter de fumer et elle peut tout à fait faire l’objet d’une association avec des patchs, voire avec d’autres traitements du sevrage tabagique, si son seul usage s’avère insuffisant pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. Elle est moins addictive que la cigarette conventionnelle et favorise ainsi un désengagement accéléré du tabac.
Prudence et rigueur.
En matière de santé publique, face à une avancée nouvelle, prudence et rigueur sont indispensables. Immobilisme, attentisme et frilosité sont assimilables à une fuite et à un refus de prendre ses responsabilités, attitude d’autant plus grave qu’il s’agit là de lutter contre un fléau majeur. On doit raisonner en termes d’évaluation de la balance bénéfice/risque. La validation et la labellisation de produits estampillés et reconnus comme ayant un rapport bénéfice-risque favorable apparaissent comme une démarche légitime et rigoureuse, permettant son emploi avec une sécurité optimale.
La pharmacie est par excellence, le lieu de prévention sécurisée facilement accessible. À une époque où le mythe du risque zéro est largement évoqué, voire recherché, beaucoup de fumeurs hésitent, se demandant pourquoi les cigarettes électroniques ne sont pas reconnues, autorisées, et dispensées en pharmacie. Y mettre à leur disposition un produit cautionné les sécuriserait, et serait non seulement un message positif, mais encore un service rendu indéniable.
C’est pourquoi, nous recommandons :
– l’intensification des recherches visant à améliorer les e-cigarettes et leurs e-liquides, de manière à pouvoir aider efficacement un nombre toujours croissant de fumeurs à se désengager du tabagisme ;
– la validation et la labellisation de produits estampillés, éva-lués et reconnus comme ayant un rapport bénéfice-risque favorable. Cela serait la seule démarche responsable et cohérente assurant une sécurité d’utilisation de ces produits, et permettant au pharmacien, pivot de santé publique, d’optimiser sa dispensation, en association ou non avec des substituts nicotiniques ou d’autres médicaments susceptibles d’agir en synergie afin d’améliorer le sevrage.
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